
Une équipe grenobloise s’est penchée sur un sujet qui est actuellement au centre de polémiques, le dépistage organisé du cancer du sein. Il est notamment reproché au dépistage systématique d’augmenter le risque de surdiagnostic et par là celui de surtraitement. Si des essais randomisés contrôlés ont montré que le dépistage mammographique réduisait la mortalité par cancer du sein chez les femmes de 50 à 70 ans, il peut certes comporter aussi des effets secondaires indésirables, tels que faux positifs, exposition aux radiations et surdiagnostics.
Mais entendons-nous d’abord sur les mots. Que recouvre précisément ce terme de surdiagnostic ? Il s’agit de la détection d’un cancer invasif histologiquement confirmé, ou de carcinome in situ, qui ne se serait jamais manifesté cliniquement en absence de dépistage. Le surdiagnostic peut donc résulter soit de la détection de cancers qui n’auraient pas évolué, soit de la survenue d’une possible pathologie intercurrente qui provoquerait le décès avant que le cancer ne devienne symptomatique. Il n’est pas possible de distinguer parmi les cancers du sein ceux qui seront évolutifs ou non, et les praticiens traitent tout naturellement tous les cancers diagnostiqués. Pour cette raison aussi de distinction impossible, le surdiagnostic reste essentiellement un concept épidémiologique, difficile à quantifier.
Une équipe grenobloise s’est attachée à préciser pourtant ce risque de surdiagnostic de cancers mammaires non évolutifs détectés par le dépistage systématique, en tenant compte de plusieurs facteurs essentiels : évolution de l’espérance de vie au cours des décennies, évolution de l’incidence des cancers du sein, rythme des mammographies, fréquence des dépistages opportunistes, âge au moment de l’apparition d’un cancer préclinique,etc. Les auteurs ont utilisé une méthode statistique, dite « computation bayésienne approchée ». Ils ont inclus dans leur étude toutes les patientes de 50 à 69 ans habitant l’Isère entre 1991 et 2006.
Le constat est moins préoccupant que certains travaux le laissaient entendre. Pendant la période étudiée, le risque de surdiagnostic lié à la détection par la mammographie systématique d’une lésion mammaire non évolutive, se trouve être de 1,5 % pour les cancers invasifs. Il atteint 28 % pour les carcinomes in situ, mais il faut alors garder à l’esprit que les cancers in situ représentent moins de 15 % de la totalité des nouveaux diagnostics de cancers mammaires.
Les auteurs admettent que ces résultats ne sont pas en adéquation avec ceux de travaux comparant l’incidence du cancer du sein avant et après la mise en place des programmes de dépistage. Ils sont cohérents en revanche avec les conclusions d’autres travaux, de méthodologie différente et qui tiennent compte dans leurs calculs de l’évolution naturelle de la maladie et des variations épidémiologiques des cancers du sein au cours des décennies passées.
Dr Roseline Péluchon