
Paris, le mardi 7 février 2012 – Les discussions autour de la réforme des lois de bioéthique au printemps dernier ont ravivé le débat sur la mise en œuvre du dépistage prénatal de la trisomie 21. Quelques députés, soutenus par certains praticiens, réunis notamment au sein du « Comité pour sauver la médecine prénatale » défendaient en effet la nécessité d’atténuer le caractère systématique de ce dépistage. Ils souhaitaient qu’il ne soit proposé aux femmes enceintes que « lorsque les conditions médicales le nécessitent ». Cette suggestion et ce libellé ont finalement été fermement rejetés par les parlementaires, soutenus dans ce sens par une majorité de praticiens. Néanmoins, la polémique autour des possibles dérives eugéniques qu’entraînerait le dépistage actuel de la trisomie 21 et au-delà l’ensemble des diagnostics prénataux était relancée.
« La traque du handicap »
Les réflexions et positions des uns et des autres se sont de nouveau exprimées la semaine dernière à l’occasion d’un forum organisé à Strasbourg par le professeur Israël Nisand. Présents, les responsables du « Comité pour sauver la médecine prénatale » ont une nouvelle fois alerté sur les risques de dérives eugéniques. « On n’est pas dans la médecine de soins, mais dans la traque du handicap (…). L’enfant à venir est présumé coupable, il doit prouver sa normalité » a ainsi dénoncé le docteur Patrick Leblanc, gynécologue à Béziers. A ses yeux, le dépistage de la trisomie 21 tel qu’il est organisé aujourd’hui lui confère une dimension quasiment « obligatoire ».
"L'enfant jetable est à nos portes"
Plus nuancé, mais exprimant lui aussi une certaine inquiétude, le professeur Didier Sicard, qui fut le président du Comité consultatif national d’éthique de 1999 à 2008 remarque que le « principe de précaution s’est glissé dans le domaine de l’obstétrique ». « Aujourd’hui, vu l’ampleur du dispositif mis en place pour détecter les cas de trisomie 21, un enfant trisomique est considéré comme une erreur médicale, car on ne l’a pas dépisté et on l’a laissé naître » observe-t-il. Le spécialiste s’inquiète également de la mise à disposition sur internet de tests (illégaux en France) qui promettent de dépister à partir de quelques gouttes de sang de la mère la prédisposition génétique de son futur enfant à quelque 400 maladies. Des dispositifs qui favorisent la tendance à « l’eugénisme individuel » selon le professeur Sicard qui se montre très pessimiste pour l’avenir : « L’enfant jetable est à nos portes ».
Prémunir par avance son enfant de toutes les maladies : un leurre
Une vision que ne partagent pas tous les spécialistes dont beaucoup notent que les lois françaises encadrent strictement l’accès aux diagnostics prénataux et les conditions dans lesquelles un avortement thérapeutique est possible. Par ailleurs, il existe de très nombreuses limites à la recherche de l’enfant parfait en raison de l’impossibilité de détecter toutes les maladies avant la naissance. « Le diagnostic pré-implantatoire pour tout le monde, c’est de la science-fiction » a observé le professeur Israël Nisand.
Aurélie Haroche