Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) provoquent une élévation de la bradykinine qui favorise la survenue de toux mais aussi d’angioedèmes chez 0,6 à 6 % des patients traités, avec une survenue plus fréquente chez les noirs, les femmes et les fumeurs. Ces accidents représentent 17 % des angioedèmes admis aux urgences.
Certaines molécules sont plus à risque (le captopril est le mieux toléré) tout comme certaines associations médicamenteuses : gliptines (antidiabétiques), inhibiteurs de mTOR (immunosuppresseurs), thrombolytiques de l’AVC.
L’angioedème apparaît avec un délai moyen de 10 mois, mais peut aussi survenir après un traitement prolongé quelle que soit la dose utilisée.
Les oedèmes très déformants et volontiers unilatéraux concernent surtout le visage et la sphère ORL : la macroglossie est la plus répandue, l’œdème laryngé plus rare mais potentiellement fatal. Un tableau digestif sub-occlusif est possible.
Les épisodes ont tendances à devenir de plus en plus fréquents.
L’angioedème laryngé à bradykinine débute généralement par une gêne pharyngée et une dysphonie avant la survenue de la dyspnée aiguë. Il n’est jamais associé à d’autres signes (urticaire…) comme l’angioedème histaminique et dure plus longtemps que celui-ci (au moins 24 heures). Il est peu sensible au traitement par antihistaminique, corticoïdes et adrénaline ; ce qui permet de soupçonner la culpabilité du médicament même si celui-ci a été interrompu depuis plusieurs mois.
Le dosage du C1inh est habituellement normal mais doit systématiquement être vérifié pour éliminer un angioedème héréditaire.
L’angioedème laryngé à bradykinine doit être traité de façon spécifique par une injection d’icatibant (un antagoniste des récepteurs B2 de la bradykinine) ou un concentré de C1inh même s’il n’existe pas de déficit.
Le traitement par IEC doit bien sûr être interrompu de façon définitive sous peine d’aggravation des épisodes d’angiooedème. La possibilité ultérieure d’une prise d’antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (sartans) est discutée.
Il n’en reste pas moins que la moitié des patients récidivent dans l’année qui suit le changement de traitement antihypertenseur, quelle que soit la molécule utilisée (sartan mais aussi bêta-bloquant ou inhibiteur calcique).
La prise médicamenteuse pourrait n’être que le révélateur d’une susceptibilité sous-jacente…
Dr Geneviève Démonet