
Depuis les campagnes de prévention de la mort subite des nourrissons (MSN) recommandant de ne pas les coucher sur le ventre (position en pronation), l’incidence des MSN a diminué de moitié. Mais par quel mécanisme la position du coucher modifie-t-elle le risque ? L’augmentation des épisodes d’apnée et de bradycardie est l’une des causes suspectées dans la MSN et l’on peut émettre l’hypothèse que c’est en réduisant l’incidence de ces troubles que la position sur le dos exerce son effet favorable.
Les données d’une très vaste enquête, conduite, sous l’égide de plusieurs universités américaines, ont été exploitées pour vérifier cette hypothèse. Cette enquête avait pour but d’examiner l’intérêt du monitorage à domicile pour les nourrissons considérés à risque de MSN, c’est à dire les prématurés (poids < 1 750g, âge gestationnel ≤ 34 semaines), la fratrie des MSN, les enfants ayant eu un épisode d’apnée ≥ 30 sec ou une bradycardie < 60/min pendant ≥ 10 sec si l’âge gestationnel corrigé (âge post-menstruel, APM) était < 44 semaines ou < 50 min si APM ≥ 44 sem. Mille soixante-dix nourrissons ont été enregistrés à domicile pendant 700 000 heures au total. Les premiers résultats ont montré que les épisodes d’apnées/bradycardies étaient davantage susceptibles de survenir dans les 180 jours suivant le début de l’enregistrement, seulement chez les prématurés et uniquement avant 43 semaines APM, bien avant le pic d’incidence des MSN, particulièrement chez les nourrissons nés à terme.
Au total, les enregistrements ont montré un ou plusieurs épisodes d’apnées/bradycardies chez 116 nourrissons dont la position du coucher a été comparée pour chacun avec celle de 2 enfants contrôle qui n’avaient pas présenté ce type de trouble. La position des nourrissons, sur le ventre, le dos ou latérale, a été précisée grâce à un accéléromètre fixé sur le dos.
Par comparaison, les nourrissons sur le ventre n’avaient pas plus de risques d’avoir des apnées/bradycardies que ceux en position dorsale (Odds ratio [OR] 1,08 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] 0,58-2,04). De même, les enfants en position latérale ou ceux en position indéterminée, n’avaient pas un risque augmenté d’apnées/bradycardies en comparaison de la position dorsale (OR 1,49 IC 0,87-2,54).
L’analyse multivariée, tenant compte des facteurs de confusion tels que l’âge gestationnel, l’âge post natal, l’heure, la date et le lieu de l’enregistrement, n’a pas modifié ces résultats de façon significative.
En conclusion, ces résultats suggèrent fortement que la diminution indiscutable du risque de mort subite en position couchée sur le dos est due à un autre mécanisme que la réduction des épisodes cardio-respiratoires détectés par le monitorage.
Pr Jean-Jacques Baudon