
Paris le mercredi 1er août 2012. Dans un communiqué de presse mis en ligne mardi sur le site du ministère des Affaires Sociales et de la Santé, Marisol Touraine a annoncé la mise sur pied d'un groupe de travail destiné à faire évoluer le projet de décret d'application des mesures relatives au « Sunshine Act à la française ».
Sunshine Act : le modèle américain
Pour ceux de nos lecteurs qui ne sont pas des spécialistes du droit fédéral américain rappelons que les lois baptisées « Sunshine Laws » ont été adoptées dans le milieu des années 70 aux Etats-Unis pour permettre aux citoyens de connaître en toute transparence les modalités des décisions prises par le gouvernement et l’administration fédérale américaine. Il s’agissait notamment d’obliger les autorités à rendre publics les comptes-rendus de réunions et les documents entourant ces décisions.
En 2010, le « Physician Sunshine Act » est venu compléter cet arsenal législatif, son objectif étant plus précisément de faire la lumière sur les liens d’intérêts entre le corps médical et l’industrie pharmaceutique. Il oblige les fabricants de médicaments, de dispositifs, de matériels médicaux ou biologiques, les groupements d’achats, ainsi que les organismes intervenant dans la production, le développement, la commercialisation, la promotion ou la distribution de ces produits à déclarer tout paiement consenti à un praticien ou à un hôpital universitaire.
Le cadre législatif est particulièrement strict puisqu’il concerne des versements de salaires, d’honoraires, de primes, d’avances de frais, de royalties, mais aussi les cadeaux, loisirs, repas, voyages, dons ou les intéressements au capital d’une entreprise dont la valeur est supérieure à 10 dollars, soit environ 8 euros. Une dispense est accordée pour des versements inférieurs à 10 $, à condition que leur cumul ne dépasse pas 100 $ par an. Les échantillons ou le prêt de matériel d’essai pendant moins de 90 jours font également l’objet d’une exception. Les versements effectués pour une prestation dans le cadre d’une conférence, d’une formation ou d’un congrès de recherche faisant plus ou moins directement la promotion d’un produit n’échappent pas à la règle.
Enfin, la loi prévoit des sanctions en cas de non-respect de ces dispositions. L’oubli de déclaration est passible d’une amende de 1 000 à 10 000 $ pour chaque manquement constaté (sans que le total puisse excéder 150 000 $), tandis que lorsque l’omission est volontaire, l’amende peut aller jusqu’à 100 000 $, avec un montant maximum cumulé de 1 000 000 $.
Vers un projet de décret plus précis et réaliste
La loi française n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé prévoit dans son article 2 que les entreprises qui produisent ou commercialisent des produits de santé sont contraintes de rendre publique l’existence des conventions qu’elles concluent et des avantages procurés à leurs interlocuteurs intervenant dans le champ de la santé : professionnels de santé, syndicats professionnels, étudiants, formateurs, associations d'usagers du système de santé, établissements de santé, fondations et sociétés savantes, médias et éditeurs de logiciels d'aide à la prescription et à la délivrance.
Dans un récent communiqué, Marisol Touraine s’emploie à critiquer sévèrement le projet de décret préparé par le précédent gouvernement qui, selon elle, « ne répond pas aux problèmes de conflit d’intérêt qui se posent concrètement et imposent aux entreprises des obligations de publication à la fois imprécises dans leur objet et irréalistes dans leur définition ».
« Le texte préparé par le gouvernement précédent ne constitue qu'un faux-semblant visant à se donner bonne conscience qui, en l'état, n'est pas approprié au problème posé », estime la ministre.
Considérant que « la transparence en matière de promotion des produits de santé est essentielle », elle annonce la mise en place dès la rentrée d’un groupe de travail, dont la composition n’a pas encore été précisée. On ne sait notamment toujours pas si des représentants des industriels de santé y participeront.
Sa mission sera de « faire évoluer le projet de décret et faire en sorte que l'obligation de publication puisse entrer en vigueur au cours du mois d'octobre, date à laquelle les sanctions prévues par la loi pourront être mises en œuvre ».
En attendant, le ministère a annoncé qu’aucune sanction ne serait prise à l'encontre des entreprises qui ne se conformeraient pas aux dispositions de la loi entre mercredi premier août et l'entrée en vigueur du décret d'application.
Amandine Ceccaldi