La pénurie d’organes à greffer en général et de poumons en particulier (15 % seulement des poumons provenant de prélèvements multiorganes sont utilisés pour des greffes), a conduit certaines équipes à élargir les critères de sélection et à définir des « poumons à hauts risques » qui pourraient éventuellement être utilisés. Il s’agit des poumons de patients restés un certain temps en réanimation, de patients avec un traumatisme thoracique, présentant des infiltrats pulmonaires, avec une fonction d’échanges gazeux médiocre (Pa02/Fi02<300mmHg) ou prélevés chez des patients en arrêt cardiaque.
Encore faut-il pouvoir juger au mieux de la qualité de ces
poumons et de leurs capacités à retrouver un fonctionnement
correct. On sait maintenant que la conservation froide ne permet ni
une évaluation ni une restauration correcte des fonctions. On a
donc imaginé de perfuser (et de ventiler) ces poumons prélevés en
normothermie et en ex-vivo, à l’aide de dispositifs adaptés.
Après avoir commencé avec des dispositifs fixes, on a essayé des
dispositifs plus légers et mobiles.
C’est ce que rapporte une publication en ligne très récente (1).
12 transplantations bipulmonaires
Entre Février et Juillet 2011, 12 patients ont été enrôlés. Tous devaient bénéficier de transplantations bipulmonaires.
Il y avait : 6 fibroses pulmonaires, 2 mucoviscidoses, 2 syndromes obstructifs chroniques et 2 hypertensions pulmonaires primitives. Huit patients ont été greffés en urgence dont 2 étaient sous ECMO (extra-corporeal membrane oxygenation).
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Les donneurs étaient âgés de moins de 65 ans, sans pathologies pulmonaires, avec des fonctions d’échanges gazeux correctes. Onze prélèvements sur 12 ont été réalisés à coeur battant et 5 greffons étaient considérés comme à risques.
Technique de prélèvement et de préservation
Les poumons sont traités par une perfusion froide pendant 10’, prélevés et perfusés en normothermie à 37° pendant 4 heures durant lesquelles on évalue leurs fonctions de base et on en juge l’amélioration éventuelle. Puis les poumons sont à nouveau refroidis juste avant d’être greffés.
Une assistance par ECMO est au besoin installée (en particulier en cas d’HT pulmonaire). Le temps moyen de perfusion en normothermie est de 303’ (DS 105, écarts 188-622).
Aucun poumon n’a été perdu. Deux des 12 patients ont eu une ventilation prolongée (5 et 19 jours) et, au-delà de 30 jours, il n’y avait plus aucune ECMO ni ventilation prolongée. Aucune retransplantation n’a été nécessaire.
Devenir des patients
Avec un recul qui va de 414 à 529 jours, 11 sur 12 sont en vie à leur domicile. Un patient est décédé à 140 jours d’une cardiomyopathie. Un an après la greffe, les VEMS et les capacités vitales forcées mesurés allaient respectivement de 56 à 123 % et de 45 à 106 % des valeurs attendues.
Les auteurs sont très satisfaits des performances du dispositif mobile qu’ils ont expérimenté.
Ils confirment que des poumons à risques (ici, il y en avait 1 sur deux) peuvent être correctement évalués, reconditionnés et transplantés sans gros risques comme cela avait été fait dans une étude très importante réalisée quelques mois plus tôt (2). Elle comparait une série de 20 poumons à risques vs 116 greffons normaux (groupe contrôle). Les premiers résultats sont étonnants puisqu’il n’y a que 15 % de défaillances précoces avec les poumons perfusés en normothermie vs 30 % dans le groupe contrôle. La différence n’est pas significative (p=0,11).
Un éditorial associé reconnaît aux dispositifs de monitoring normothermique en ex-vivo le caractère d’une avancée majeure.
Dr Roland Charpentier