Paris, le samedi 3 novembre 2012 – Si le débat parlementaire autour du projet de loi instituant la possibilité pour deux personnes du même sexe de se marier et d’adopter ensemble des enfants ne devrait avoir lieu qu’au début de l’année prochaine, la controverse suscitée par ce texte est déjà richement engagée. On le sait, sur le sujet, les psychiatres et psychanalyses nourrissent des positions très différentes. Au-delà de la question du « mariage », les éventuelles conséquences pour l’enfant, notamment pour ce qui concerne la construction de son identité du fait d’avoir été élevé par deux hommes ou deux femmes sont très diversement envisagées par les spécialistes. Pour le pédopsychiatre Pierre-Lévy Soussan, ces répercussions ne font aucun doute et plus largement encore il observe que la loi telle qu’elle se dessine pourrait entraîner des changements de représentation majeurs de la parentalité, de la filiation et de la naissance, pour tous les enfants et tous les parents.
Au nom de la modernité et de l’égalité, la solution du « mariage pour tous », soutenue par quelques associations gays et lesbiennes, pourrait impliquer un changement législatif radical que le gouvernement s’apprête à engager.
Les sondages posent-ils les vrais questions ?
C’est sous la pression de ces lobbyings que les mots «père» et «mère», «homme», « femme » seraient amenés à disparaitre de tout nos textes de Lois. Qui a réalisé derrière les sondages sur le mariage homosexuel, présenté comme une lutte démocratique contre la discrimination et les inégalités, qu’il était question avant tout de l’annulation de la différence des sexes dans les livrets de famille et dans le code civil ? Que la naissance de tous les enfants s’en trouverait bouleversée ? Les français favorables au mariage homosexuel seraient-ils toujours aussi nombreux si en lieu et place du mariage était posée la question de la naissance et de la filiation ? Quels pourcentages obtiendraient-on si chacun comprenait que tous les enfants, quel qu’en soit le couple parental, naîtraient non plus d’un père et d’une mère mais d’un parent A et d’un parent B, que l’homme et la femme seraient des « personnes », que la naissance serait une notion dépassée, remplacée par une vision gestionnaire d’un droit à l’enfant ? Charge au social ou au médecin de remplir ce rôle nouveau de fournisseur d’enfant en dehors de tout lien généalogique fondé sur la raison, la crédibilité de la naissance. Alors que les médecins soignent une infertilité médicale et non une infertilité sociale, la médecine créerait des enfants sans père, sorte de Parricide Médicalement Assistée !
A l’origine du débat
S’il est pensable d’envisager le changement institutionnel du
mariage pour permettre que deux adultes du même sexe puissent
s’unir par amour, il serait impensable du côté de l’enfant
d’envisager une naissance impossible à partir de deux personnes de
même sexe. L’enfant affaibli dans sa construction, n’aurait plus
accès à l’ensemble des identifications familiales constitutives de
son identité : relations différentes, différenciées à l’un et
l’autre sexe dont il s’origine. Au nom de quelle « modernité » le
priverait-on de la moitié de sa construction identitaire, le
projetterait-on dans une origine impossible car impensable ? Il
irait alors rejoindre la cohorte des échecs d’adoption où les
adultes en souffrance ne peuvent s’originer dans leur famille
adoptante et allant toute leur vie quêter des origines biologiques
lointaines inatteignables.
En effet toutes les filiations du monde reposent sur la métaphore
de la naissance à partir d’un couple sexué permettant à l’enfant
une origine raisonnable et crédible quel que soit son mode de
procréation (naturelle, adoptive, procréatique).
Des arguments insuffisants pour justifier une révolution aussi profonde
Tous les enfants du monde ont droit aux différences parentales sexuées, lui conférant ainsi une origine psychique fondatrice de son individualité. Promouvoir la possibilité juridique d’un « mariage » homosexué ou consolider le statut du parent de même sexe dans le registre éducatif et affectif lors de la venue d’un enfant ne nécessite pas d’annuler ou d’attaquer les règles filiatives. L’abolition de la différence des sexes, de l’engendrement dans la loi, va à l’encontre de l’universalité des individus face à la différence des sexes, or aucune loi ne pourrait nous affranchir de la logique des conditions sexuées de notre naissance, de la raison qui nous fonde à vivre.
Docteur Pierre Lévy-Soussan