Paris, le samedi 24 novembre 2012 – Les internes ont de nouveau défilé dans la capitale mardi 20 novembre. Cette manifestation s’est concentrée sur une revendication méconnue : leur refus du déploiement des réseaux mutualistes, en vertu desquels des professionnels de santé pourraient passer contrat avec des complémentaires santé, ce qui permettrait aux patients consultant dans le cadre de ces « réseaux » de bénéficier de remboursements plus avantageux. Ce système qui existe déjà pour certains opticiens et dentistes n’est pas sans soulever de nombreuses critiques. Ces dernières semblent avoir en partie été entendues par le ministre de la Santé. Marisol Touraine s’est en effet engagée à faire adopter plusieurs amendements à la proposition de loi socialiste relative à ces réseaux afin notamment qu’ils ne puissent concerner que les secteurs de l’optique et de la dentisterie. Une avancée que les internes doivent désormais étudier avant de décider de l’issue qu’ils souhaitent donner à leur mouvement. En tout état de cause sont-ils aujourd’hui satisfaits d’avoir pu faire entendre leurs préoccupations sur ce sujet, préoccupations ici résumées par Etienne Pot, vice président de l’Intersyndicat national des internes hospitaliers (ISNIH) et président du Syndicat Autonome des Internes des Hôpitaux de Lyon.
Depuis le 12 novembre, les internes et chefs de cliniques
assistants des hôpitaux ont débuté un mouvement de protestation
contre les récentes réformes annoncées par le gouvernement,
concernant l’avenir de la santé, l’accès aux soins et la place des
organismes complémentaires dans notre système.
Les internes et chefs de cliniques, qui représentent l’avenir de la
médecine, n’ont pas été conviés aux discussions sur la régulation
du secteur 2, nos revendications n’ont pas été entendues. Mais
au-delà des inquiétudes concernant notre avenir professionnel,
l’avenir de la santé en France nous préoccupe.
La consécration des réseaux mutualistes
Une proposition de loi récemment déposée permettrait aux mutuelles de jouer un rôle décisionnel dans le parcours de soins du patient. La France propose une offre de soins parmi les meilleures, les plus justes, et les plus accessibles au monde. Les Français sont très attachés au libre choix de leur médecin car cette liberté garantit une médecine de qualité et une bonne relation médecin malade. De même, l’ensemble des internes souhaite rappeler qu’ils sont attachés à leurs patients et à une médecine juste et égale pour tous.
Les internes, chefs de clinique et assistants s’inquiètent notamment des textes de loi débattus actuellement qui vont à l’encontre de cette liberté. Dans la proposition de loi n° 296 déposée par Bruno Le Roux (socialiste), l’article L.112-1 du code de la mutualité serait ainsi modifié : « Les mutuelles peuvent toutefois instaurer des différences dans le niveau des prestations lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé membre d’un réseau de soins ou avec lequel les mutuelles, unions ou fédérations ont conclu un contrat comportant des obligations en matière d’offre de soins ».
Ce type de propositions offre la possibilité aux mutuelles d’orienter les patients vers les médecins qui leurs sont affiliés. Le patient n’aura donc plus le libre choix de son médecin, sous peine de ne plus être remboursé par sa mutuelle. Les femmes ne pourront plus choisir l’obstétricien qui les accouchera, le patient ne pourra plus choisir le chirurgien qui l’opérera, si ceux-ci ne sont pas affiliés à sa mutuelle. Seuls les patients qui auront les moyens de payer les prestations médicales pourront garder le choix de leur médecin. Nous craignons l’avènement d’une médecine à deux vitesses. Les médecins traitant se verront limités dans le choix même de leurs correspondants spécialistes. Ils ne pourront adresser leur patient qu’aux spécialistes affiliés à leur mutuelle, sans prendre en compte les besoins spécifiques de chaque patient. Ceci aura un impact direct sur la qualité des soins.
Un dévoiement du serment d’Hippocrate ?
Chaque nouveau médecin prête serment à la fin de ses études : «
Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma
mission » (Serment d’Hippocrate) Notre vocation de médecin implique
la volonté de proposer les meilleurs soins à nos patients. Nous
sommes extrêmement préoccupés par le danger que représentent ces
textes pour la qualité et l’indépendance de la médecine. Beaucoup
ont voulu présenter ce mouvement de contestation des internes comme
une lutte pour des honoraires libres, alors que nos préoccupations
concernent l’avenir de notre système de santé.
Malheureusement le gouvernement reste sourd à ces mises en garde,
et refuse de nous associer aux discussions. Madame la Ministre de
la Santé n’a pas jugé utile de nous recevoir à l’issue de notre
manifestation du lundi 12 novembre (1). C’est pourquoi un mouvement
de grève illimité des internes et assistants des hôpitaux, quels
que soient leurs spécialités et leur secteur d’exercice, se
poursuivra jusqu’à ce que nous soyons entendus par nos tutelles.
L’ensemble des acteurs de santé et des usagers doivent se sentir
concernés par l’avenir de la santé en France, menacée aujourd'hui
par des logiques financières. L’ISNIH appelle donc à un front uni
contre les menaces de privatisation de la santé afin de dire non à
la privatisation de la santé, non à la médecine à deux vitesses,
non au pouvoir croissant des mutuelles.