Dépistage du cancer du sein et surdiagnostic : une nouvelle pièce au dossier

Le British Medical Journal publie une nouvelle étude consacrée au risque de surdiagnostic chez les femmes concernées par le dépistage organisé du cancer du sein. Il s’agit cette fois d’une étude danoise, réalisée sous la forme d’un suivi de cohorte à Copenhague et dans le comté de Funen.

Les auteurs partent du principe qu’il y a surdiagnostic si l’incidence cumulée des cancers, calculée quelques années après la fin du dépistage organisé, est supérieure à celle qui est attendue en l’absence de dépistage. Pour cela, ils ont suivi près de 60 000 femmes âgées de 56 à 69 ans en 1991, date de démarrage du dépistage organisé, et les ont suiviesjusqu’en 2009, soit pour certaines jusqu’à près de 8 ans après leur sortie du programme de dépistage. L’incidence du cancer du sein dans cette cohorte a été comparée à celle relevée dans les registres nationaux dans les régions où le dépistage n’était pas institué, et en tenant compte de l’évolution des incidences avant la mise en place du dépistage organisé.

L’incidence du cancer varie selon le moment où l’on se situe par rapport au début du dépistage organisé. Elle augmente dans les années suivant le début du dépistage, puis se stabilise, diminue juste après la sortie du programme de dépistage, pour augmenter à nouveau ensuite. Les auteurs insistent donc sur l’importance de suivre les femmes plusieurs années après leur sortie du dépistage organisé pour bien évaluer l’importance du surdiagnostic.

Les données indiquent que parmi les femmes invitées à se faire dépister dans la cohorte de Copenhague et suivies jusqu’à 3 ans après leur sortie, le risque de cancer invasif ou de cancer in situ est  supérieur d’environ 6 % (intervalle de confiance à 95 % -10 % à 25 %) à ce qui serait attendu en cas d’absence de dépistage organisé et de 1 % (-7 % à 10 %) dans le comté de Funen. Parmi les femmes dont le suivi est poursuivi 8 ans après leur sortie du programme, l’excès de risque est moindre, de 3 % (-14 % à 25 %) pour Copenhague et de 0,7 % (-9 % à 12 %) pour la cohorte de Funen.

Les auteurs estiment que cette différence de risque reflète un faible taux de surdiagnostics, qu’ils évaluent globalement à 2,3 % (-3 % à 8 % soit des résultats non statistiquement significatifs). Une conclusion qui sera sans doute contestée.

Dr Roseline Péluchon

Référence
Njor SH et coll., : Overdiagnosis in screening mammography in Denmark: population based cohort study. BMJ 2013; 346: f1064doi: 10.1136/bmj.f1064

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Vos réactions (3)

  • Surdiagnostics et diagnostics négatifs sûrs?

    Le 15 mars 2013

    L'argument du surdiagnostic pour limiter les dépistages des cancer en plus de son imbécillité intrinsèque , pose un problème de méthodologie non résolu: Quand, comment et qui décide de l'existence du surdiagnostic. A-t-on une idée de l'incidence du moment des observations et de la durée des surveillances sur le nombre de ces surdiagnostics? Quelle est l'autorité suprême qui en définit l'existence selon quel protocole et avec quelle pertinence ?
    Pour être certain d'un surdiangnostic il faut être aussi certain de la sureté de son diagnostic négatif c'est la moindre des choses... et pendant quelle durée de surveillance ?
    Chercher dépister ou ignorer pour éviter de se tromper ? telle est la question... Moi je dépiste...

    Dr J-F Huet

  • Expliquer aux femmes les limites et les risques de ce dépistage

    Le 21 mars 2013

    Dans une perspective de santé publique, le dépistage organisé (DO) doit se traduire par un bénéfice en terme de réduction de la mortalité, sans augmentation d'effets indésirables importants pour la population concernée. Le surdiagnostic est un de ces effets, dans la mesure où il traduit la découverte de cancers ou de lésions précancéreuses qui n'auraient eu aucun impact clinique.
    Ainsi le DO du cancer colo-rectal (CCR) se traduit par la découverte d'adénomes avancés, qui seront traités, dont seulement 25 % auraient évolué vers un cancer invasif . L'exérèse de ces polypes ramène, à condition qu'elle soit suivie d'une surveillance colonoscopique , le risque de cancer à un niveau faible, comparable à celui de la population indemne de ce type d'anomalie. Ce traitement a peu d'effets délétères et le rapport bénéfice risque positif est évident.

    Qu'en est-il du cancer du sein ? L'histoire naturelle de ce cancer est moins bien connue que celle du CCR ou du carcinome du col. En effet, contrairement aux précédents, l'augmentation de la fréquence des cancers in situ ne s'est pas traduite par une baisse des cancers invasifs. Le surdiagnostic est estimé de 3 à 30 %. Ainsi le travail de Bleyer l'estime à 30 %
    ( http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1206809).
    Le problème dans ce cas , c'est celui du surtraitement : contrairement au CCR, une mastectomie n'a pas la même portée que l'exérèse d'un adénome avancé. Par ailleurs les effets à long terme chez les femmes subissant une radiothérapie, se traduisent par une augmentation des pathologies ischémiques : augmentation de 7,4 % par gray, sans seuil (http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1209825).
    Or selon une estimation de Michael Baum (http://www.bmj.com/content/346/bmj.f385) 4 surdiagnostics sur 5 sont traités par radiothérapie.
    Autrement dit, même si les chiffres donnés peuvent être précisés par d'autres études, avoir prôné le DO du cancer du sein sans prendre en compte les conséquences délétères d'un surtraitement en cas de surdiagnostic, est une profonde erreur. D'autant plus qu'il n'y a aucune preuve de la baisse de mortalité attribuable à ce dépistage.
    En tant que médecins de premier recours, nous devons réfléchir à la portée de nos actes en expliquant aux femmes les limites et les risques de ce dépistage, et ne pas se contenter de croire aveuglément à ses bienfaits très contestables.

    Dr Alain Siary

  • Les aléas de l'humain

    Le 23 mars 2013

    L'interprétation d'une mammographie, surtout pour les très petites lésions, est un art très difficile qui se heurte aux aléas de l'humain, d'où la double lecture des documents.
    Se pose en plus un problème de fiabilité du matériel utilisé pour réaliser les examens :
    lire l'articke de "Lyon capilale.fr" de Guy Hugnet du 29 janvier 2013.
    Dr M. Clement, radiologue

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