Le médecin, c’est celui qui transgresse

Paris, le samedi 13 avril 2013 – Le professeur d’urologie Guy Vallancien, qui fut notamment l’auteur de plusieurs rapports ministériels (portant entre autres sur la réorganisation des blocs opératoires) a souvent pour habitude de lancer à haute voix certaines des réflexions nourries in petto par nombre de médecins. Ainsi, il y a exactement un an, c’est lui qui au micro d’Yves Calvi sur RTL fustigeait les controverses autour des dépassements d’honoraires prétendument scandaleux des médecins en remarquant qu’alors qu’une heure de réparation d’un véhicule est facturée en moyenne 80 euros, la consultation médicale n’est cotée que 23 euros.

Technologies, répartition des tâches, nouveaux métiers : des menaces pour le médecin ?

Sur son blog « Santé 2020 » hébergé par le monde, le praticien use du même ton sans nuance pour passer au scalpel les politiques de santé publique. Son analyse se fait cependant souvent plus poussée, plus profonde que celle que nous évoquions plus haut, proposée sur RTL. C’est ainsi que dans son dernier post, il pose une question claire non pas sur l’avenir de la médecine, mais sur l’avenir des médecins. « Qui sommes nous ? Qu’attend-t-on de nous ? », interroge-t-il. A l’heure des progrès techniques, « de l’émergence de nouveaux métiers de soignants » et de « la répartition des tâches entre les professionnels de santé » (il parle plus haut de la « revendication d’autonomie des infirmières »), « quelle est la valeur ajoutée d’un médecin par rapport aux autres personnels de santé ? » demande-t-il. Et la question se pose avec d’autant plus d’acuité qu’aujourd’hui l’exercice tend de plus en plus à être balisé par « les bonnes pratiques médicales, recommandées en fonction de normes statistiques » remarque-t-il avec une pointe de désolation.

Refuser d'être des exécuteurs de normes

La réponse de Guy Vallancien n’étonnera pas ceux qui connaissent peu ou prou les prises de position du praticien : pour lui, « l’originalité » du médecin, sa « valeur ajoutée (…) tient à sa capacité à transgresser les règles établies. Déroger aux normes et aux guides de bonnes pratiques afin d’offrir dans certaines conditions à celui ou celle qui souffre les soins plus approprié pour le guérir ou le soulager », analyse-t-il.

Cette définition qui pourrait dans son énoncé brut surprendre, voire choquer, satisfera sans doute tous ceux qui refusent de n’être que des exécuteurs de la « norme édictée ». Pour découvrir plus largement cette réflexion de Guy Vallancien, rendez-vous sur :
http://sante2020.blog.lemonde.fr/2013/04/02/quel-role-pour-le-medecin-demain/

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (4)

  • Transgresser pour observer et découvrir

    Le 13 avril 2013

    Quel doit être le rôle du médecin de demain ?
    Ah là bravo ! Bravo Guy, ah là tu fais fort !
    Ajoutons, à ton excellente défense de l’obligation de transgression du médecin au cas par cas. Transgresser est une nécessité qui s’impose pour que chaque patient soit respecté.
    Au lieu de le forcer à entrer dans des statistiques de grands nombres. Claude Bernard avait déjà vu que les grands nombres ne nous apprennent rien.
    Oui, tu as raison cette même transgression même parfois d’une seule observation permet de tenter de modifier le paradigme dans le but de faire progresser la science.
    Si tout le monde se fonde sur un consensus, rien ne sera plus jamais découvert ! Les croyances absolues sont admirables mais le progrès vient toujours de la mise en doute et du questionnement.
    Rechercher n’est pas chercher. Re-chercher, ce n’est qu’appliquer la science connue. Chercher, c’est tenter de percer l’inconnu.
    C’est donc tout le contraire de ce que pensent ceux qui nous conditionnent de recommandations opposables !
    L’inconnu est plus grand que le connu. Re-chercher n’est, parfois, que suivre des recommandations opposables alors que justement comme tu l’écris : « Dans quelques pourcentages de cas, le choix pour un malade donné ne correspond pas à la norme édictée. »
    Savoir observer, avoir le temps de multiplier les observations identiques que le paradigme actuel ne permet pas de prendre en charge.
    Tu as raison : « C’est donc au médecin qui le connaît, et à lui seul, de prendre la responsabilité de déroger à la règle commune, pour répondre à un cas unique. »
    Il lui faut aussi le temps de dresser des hypothèses hors des normes, de trouver un nouveau paradigme, de trouver les moyens expérimentaux de prouver sa nouvelle conception de sorte que chacun puisse Re-chercher et valider.
    Les hauts-Fonctionnaires qui essaient d’organiser notre profession, surtout celles de PU-PH se trompent, lourdement, sur la triple mission de ces praticiens.
    Déjà Claude Bernard (Introduction à l’étude de la médecine expérimentale), puis Arthur Koestler(Les somnambules), puis T. S Kuhn (La structure des révolutions scientifiques), puis R. Debré en 1958 en créant la triple mission, avaient bien montré le processus de la découverte. Philippe Even, dans La recherche médicale en danger a encore bien montré la nécessité de transgresser !
    Oui tu as raison : « Ainsi, débarrassé des oripeaux de la technicité, facilement transmissible, libéré d’une multitude de tâches quotidiennes aisément réalisable par d’autres professionnels, le médecin retrouvera le sens de sa vraie vocation, délivré des méandres de la dispersion, de l’administratif étouffant, de l’acte à tout va et du court terme. »

    Dr Jean Doremieux, urologue en retraite

  • La dimension intuitive de notre exercice

    Le 13 avril 2013

    Il est vrai et peut-être louable que notre exercice doit être conforme à certaines normes issues des données scientifiques mises à jour selon le cas par les publications ou certains "guides" de bonnes pratiques. Cependant la difficulté pointée par le Professeur Vallencien me semble ressortir de la dimension intuitive qui alimentée par les connaissances et l'expérience, qui fait que notre exercice est aussi un art et requiert une liberté d'imagination nécessaire dans l'élaboration de l'analyse et de la thérapeutique indiquées pour chaque individu. La pratique libérale me semble encore préservée des excès auxquels on assiste dans le secteur public. Je pense au processus de la certification des établissements de santé (certes légitime) prescrit par des groupes de technocrates et d'experts certainement "de bonne foi". Leurs prescriptions s'imposent aux directeurs d'établissements et par suite à leurs cadres et aux personnels para-médicaux. Il est alors difficile d'adhérer moyennement voire de rester neutre à l'égard de certaines analyses et procédures d'importance discutable, au risque lorsque notre devoir nous appelle auprès des patients et des équipes, de faire figure de marginal, de rebelle, de doux rêveur, voire de ringard par rapport à de ce que doit être le processus de prise en charge médicale au XXIème siècle. J'omets volontairement les aspects chronophages, "énergétiques" et économiques.

    Jean-Paul Milanese

  • Relisons à cette occasion Claude Bernard

    Le 15 avril 2013

    Vallancien écrit : « Les bonnes pratiques médicales, recommandées en fonction de normes statistiques calculées sur des masses d’individus et non pour une personne donnée dans sa singularité, ne sont pas toujours adaptées au vécu d’un malade particulier. »
    Oui relisons la page 175 de l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale
    IX. De l’emploi du calcul dans l’étude des phénomènes des êtres vivants ; des moyennes et de la statistique (Claude Bernard).
    " Dans les sciences expérimentales, la mesure des phénomènes est un point fondamental, puisque c’est par la détermination quantitative d’un effet relativement à une cause donnée que la loi des phénomènes peut être établie.
    Si en biologie on veut arriver à connaître les lois de la vie, il faut donc non seulement observer et constater les phénomènes vitaux, mais de plus il faut fixer, numériquement, les relations d’intensité dans lesquelles ils sont les uns par rapport aux autres.
    Cette application des mathématiques aux phénomènes naturels est le but de toute science, parce que l’expression de la loi des phénomènes doit toujours être mathématique.
    Il faudrait pour cela, que les données soumises au calcul fussent des résultats de faits suffisamment analysés, de manière à être sûr qu’on connaît complètement les conditions des phénomènes entre lesquels on veut établir une équation.
    Or je pense que les tentatives de ce genre sont prématurées dans la plupart des phénomènes de la vie, précisément parce que ces phénomènes sont tellement complexes, qu’à côté de quelques-unes de leurs conditions que nous connaissons, nous devons non seulement supposer, mais être certain, qu’il en existe une foule d’autres qui nous sont encore absolument inconnues.
    Je crois qu’actuellement la voie la plus utile à suivre pour la physiologie et pour la médecine est de chercher à découvrir des faits nouveaux, au lieu d’essayer de réduire en équations ceux que la science possède.
    Ce n’est point que je condamne l’application mathématique dans les phénomènes biologiques, car c’est par elle seule que, dans la suite, la science se constituera ; seulement j’ai la conviction que l’équation générale est impossible pour le moment, l’étude qualitative des phénomènes devant nécessairement précéder leur étude quantitative."

    Dr Jean Doremieux

Voir toutes les réactions (4)

Réagir à cet article