
Le virus de l'hépatite C (VHC), est un virus à ARN. Il infecte les hépatocytes où il induit notamment la synthèse et l’expression de protéases toxiques, cibles des thérapeutiques actuelles comme le télaprévir et le bocéprévir. Utilisés en association avec l'interféron pégylé alfa et la ribavirine pour limiter la survenue de résistances, ces inhibiteurs des protéases sont efficaces mais exposent à de nombreux effets secondaires et risques d’interactions médicamenteuses ; de plus, les rechutes après l’arrêt du traitement sont fréquentes. Des inhibiteurs de la protéase de deuxième génération sont en cours de développement ainsi que d’autres molécules ayant pour cible d’autres enzymes virales.
Mais les recherches thérapeutiques actuelles s’orientent également vers une autre cible, celle des micro-ARN. En effet, on sait aujourd’hui que les capacités du VHC à survivre et se répliquer dans les hépatocytes dépendent de la présence d’un micro-ARN endogène d’une vingtaine de nucléotides, le miR-122. Dans les hépatocytes infectés, le miR-122 se lie à des régions non transcrites de l’ARN viral. Le complexe miR-122-VHC ainsi formé a pour propriété, non pas de dégrader l’ARN viral, mais au contraire de le protéger de la dégradation nucléolytique par la cellule hôte.
L’idée de s’opposer à la formation de ces complexes a ouvert de nouvelles perspectives thérapeutiques. C’est sur cette base qu’a été développé le miravirsen, un petit ARN de synthèse de 15 nucléotides porteur d’une séquence antisens de haute affinité pour la région 5’ du miR-122 mature. Agissant comme un verrou nucléotidique, le miravirsen inhibe toute possibilité de liaison du miR-122 à l’ARN viral. Il a été testé chez 36 patients porteurs d’une hépatite C1 chronique, dans un essai clinique de phase 2a. Pour cette étude de recherche de dose, les patients ont été randomisés pour recevoir soit un placebo, soit 3, 5 ou 7 mg/kg de miravirsen en injections sous-cutanées hebdomadaires durant 5 semaines.
Au terme d’un suivi de 18 semaines, il a été observé une diminution dose-dépendante de la charge virale sous miravirsen, se maintenant après la fin du traitement. À la plus forte dose testée (7 mg/kg, 9 patients), la diminution moyenne de la charge virale était de 3 log UI/ml versus 0,4 dans le groupe placebo (p = 0,002), avec 4 cas de charge indétectable. Aucun effet secondaire du traitement n’a été observé durant la période de l’étude. Il n’a pas non plus été mis en évidence de mutation pouvant évoquer une résistance virale.
La voie est donc ouverte pour la poursuite de l’évaluation thérapeutique des oligonucléotides anti-sens en hépatologie. La prudence s’impose néanmoins dans la mesure ou le miR-122, cible du miravirsen, est aussi un gène suppresseur de tumeur pour le carcinome hépatocellulaire, complication déjà connue de l’infection à VHC. Et peut être faudra-t-il envisager d’y associer d’autres séquence nucléotidiques pour un véritable « coktail anti-sens » contre le VHC.
Dr Arielle le Masne