Ameisen, un cas intéressant

Paris, le samedi 27 juillet 2013- Il aurait pu être célèbre grâce à son interprétation éblouissante de tel ou tel morceau choisi du répertoire de musique pour piano.  Le fruit de ses recherches en cardiologie aurait pu faire de lui un « ponte » mondialement reconnu dans cette spécialité. Mais son nom restera « indissociable » de la croisade qu’il a menée pour libérer les alcooliques de l’emprise de « leur drogue ». Olivier Ameisen ? Ah oui le baclofène…

Etre Rubinstein ou rien

Né le 25 juin en 1953 à Boulogne-Billancourt, Olivier Ameisen, passionné de musique, pianiste virtuose, avait en effet d’abord envisagé de devenir un autre Rubinstein. Mais c’est précisément ce dernier qui, alors qu’il est âgé de 15 ans, lui conseille de devenir plutôt chef d’orchestre. Trop peu pour lui. Il passe son « bac d’abord » sur le conseil, classique, de ses parents…et entreprend des études de médecine. Brillantes elles-aussi, qui le conduiront à devenir, à 30 ans après un passage à l’université de Cornell de New-York, professeur de cardiologie aux Etats-Unis.  Un parcours d’excellence en somme.
Mais Olivier Ameisen n’est pas pour autant sûr de lui. Pire l’angoisse, la panique le tenaillent. Pour les combattre, un seul médicament : l’alcool qui « calmait mes angoisses comme jamais les benzodiazépines ne l’avaient fait ».  Il sombre dans un alcoolisme profond, est hospitalisé plusieurs fois, pris en charge par les plus grands spécialistes d’addictologie au cours de multiples cures de désintoxication. Sans grand résultat.

La lumière vient d’un article du New York Times de 2001 qui évoque les effets étonnants du baclofène, un décontractant musculaire bien connu, dans la dépendance à la cocaïne. Après en avoir pris connaissance, Olivier Ameisen, en bon scientifique, fait une revue de la littérature, interroge ses confrères puis décide de s’auto-traiter. Et le miracle s'accomplit.

Le Don Quichotte du baclofène

Grâce à des doses croissantes (jusqu’à devenir impressionnantes) de baclofène, Olivier Ameisen « guérit » littéralement de son addiction. En précisant qu’il devient « indifférent » à l’alcool c'est-à-dire qu’il « n’y pense plus » du tout.

La publication du "cas Ameisen" par l’impétrant lui-même ne provoque pourtant pas la révolution qu’elle aurait dû. La parution de son livre grand public « Le dernier verre » (Ed Denoël, 2008) si elle suscite davantage de remous, n’en entame pas davantage la frilosité du monde de l’alcoologie malgré les soutiens de Jean Dausset, prix Nobel de médecine 1980 ou encore du professeur Didier Sicard.  

Alors, Olivier Ameisen part en croisade. Il bataille pour faire reconnaître la validité de « son » traitement qui permet de « guérir sans forcément devenir abstinent ». Et il est entendu. D’abord par les médecins qui sont de plus en plus nombreux à prescrire le baclofène hors AMM à leurs patients alcoolo-dépendants. Puis par les patients dont certains considèrent qu’il leur a sauvé la vie.

Après bien des réticences, des essais cliniques ont fini par être mis en place en milieu hospitalier et en médecine libérale, il y a quelques mois et l’Agence du médicament a décidé le 3 juin dernier d'une recommandation temporaire d’utilisation. Ce dont se félicitait Olivier Ameisen.

Mais, ironie du sort, il n’aura que peu goûté cette première victoire.

Olivier Ameisen a succombé ce 18 juillet, à un infarctus du myocarde. Guéri de son alcoolisme.

http://blog.ehesp.fr/mediasantepublique/2013/07/20/dr-olivier-ameisen-1953-2013/

Dr Marie-Line Barbet

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