Orlistat et risque de cancer du côlon : des données rassurantes

L’orlistat, médicament destiné à la prise en charge de l’obésité, peut être délivré à la fois sur prescription médicale et « over the counter » (en vente libre), aux Etats-Unis et en Europe. C’est dire l’intérêt que mérite une controverse suscitée par certains travaux, menés notamment chez l’animal, qui révélaient que l’orlistat semble favoriser l’apparition de foyers de cryptes aberrantes. Ces foyers sont en effet considérés par certains comme des marqueurs de cancer colorectal.

Le British Medical Journal publie des résultats d’une étude rétrospective de cohorte, incluant 33 625 patients traités par orlistat. Chaque personne traitée était « appariée » à 5 personnes présentant les mêmes caractéristiques, notamment en termes d’indice de masse corporelle, d’âge et de sexe, mais n’ayant pas pris de traitement.

Les données sont plutôt rassurantes, puisque le suivi, de près de 3 ans, ne relève pas d’augmentation du risque de cancer colorectal chez les personnes ayant pris de l’orlistat. Pour 100 000 personnes-années, l’incidence du cancer colorectal est de 53 (intervalle de confiance à 95 % 41 à 69) pour les personnes ayant pris le traitement et de 50 (44 à 57) pour les sujets-témoins (Hazard Ratio ajusté 1,11 ; intervalle de confiance à 95 % 0,84 à 1,47).

Les auteurs reconnaissent que la durée du suivi est trop courte pour écarter totalement la responsabilité de l’orlistat dans le développement (« initiation ») d’un cancer colorectal. Ils estiment qu’elle les autorise néanmoins à affirmer que l’orlistat ne semble pas en accélérer l’évolution (« promotion »). Ils précisent aussi que, si l’analyse ne permet pas d’exclure totalement la possibilité d’une augmentation du risque de cancer colorectal après un traitement prolongé, elle ne relève pas non plus de tendance à une augmentation du risque quand la durée du traitement se prolonge.

Dr Roseline Péluchon

Références
Hong J-L et coll. : Risk of colorectal cancer after initiation of orlistat: matched cohort study.
BMJ 2013;347:f5039. doi: 10.1136/bmj.f5039

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (1)

  • Orlistat, un mécanisme d'action qui annonçait des effets secondaires

    Le 18 septembre 2013

    Orlistat (xenical*) lors de son "lancement" nous a été présenté comme un "sélecteur diététique" qui choisirait l'assimilation digestive des "bonnes graisses" pour éliminer les " mauvaises graisses". Je me souviens avoir posé la question suivante en réunion aux "promoteurs" de cette nouvelle molécule: " Avez-vous en mémoire un médicament contre l'obésité qui nous a été présenté comme un sélecteur diététique et qui a été retiré du commerce?". L'intervenant, un praticien hospitalier, qui n'était pourtant plus tout jeune, me demanda à quelle molécule je faisais allusion... Une molécule proche de la fenfluramine (le Ponderal*) la dextrofenfluramine (Isoméride* des laboratoires Ardix, branche de Servier) qui a été testée par l'équipe du Professeur Wurtmann sur une population de sujets obèses "carbohydrate-cravers" ou glucido-dépendants. Cette population obèse recrutée par voie d'annonce avait réduit sous l'effet d'un anorexigène amphétaminique des rations alimentaires où les glucides étaient prédominants. Les conclusions étaient bien prévisibles: le médicament avait bien fait maigrir des sujets obèses en réduisant surtout les glucides. Les résultats furent publiés dans le "Lancet" et la commercialisation de la dextrofenfluramine depuis 1985 a duré plus de 10 ans en France. Bien avant la publication des effets secondaires, de nombreux confrères avaient repéré la méthodologie plus que suspecte de cette première étude qui qualifiait la dextrofenfluramine de "sélecteur diététique" sur les glucides, "sélecteur" qui annonçait l'assimilation des "bons glucides".
    Pourquoi un sélecteur diététique sur les lipides ferait-il mieux pour traiter des sujets obèses? Depuis plusieurs décennies, toutes les études chez les sujets obèses vus en milieu spécialisé, en ville ou à l'hôpital, montrent que leurs rations alimentaires sont pour la majorité des sujets, moindres que la moyenne. Ce qui explique très bien les classiques "yoyo" sur la balance, puisque après plusieurs tentatives de régimes restrictifs, les sujets obèses prennent du poids et mangent pourtant moins qu'auparavant. La suppression des aliments porte bien sur ceux qui contiennent les lipides puisque ce sont surtout eux qui apportent des calories. Il serait tant de questionner et d'examiner par un examen somatique et clinique pourtant simple des sujets dont l'IMC élevé va dicter une prescription qui entraîne la suppression "aveugle" des lipides alors que ces sujets qui en consomment déjà peu présentent une dette énergétique, une asthénie, une frilosité, une constipation qui nous font suspecter une hypothyroïdie. L'hypothyroïdie déjà présente cliniquement lors d'une hospitalisation d'un sujet obèse, parfois confirmée par la biologie est-elle la cause de l'obésité ou la conséquence des nombreuses tentatives de régimes restrictifs qui ont précédé l'hospitalisation? Ces restrictions lipidiques ont conduit à ces situations en yoyo sur la balance qui majorent la prise de poids au fil des ans. Que les effets secondaires ou collatéraux de ces "sélecteurs diététiques" soient reconnus est certes une bonne chose, mais il serait temps de reconnaître que sur le plan santé publique en matière d'obésité le mal traité est bien pire que le mal non traité.

    Dr Jean Minaberry, endocrinologue, diabétologue, nutritionniste Bordeaux
    jeanminaberry@hotmail.com

Réagir à cet article