La qualité de la surveillance des patients est un défi permanent dans les unités de soins intensifs néonatales. Elle dépend à la fois de la fiabilité des moniteurs et de la vigilance des soignants. Ainsi, dans les apnées de la prématurité, les alarmes de désaturation et de bradycardie des moniteurs sont censées déclencher l’intervention des soignants. Bien que le « rejet des artéfacts » ait fait diminuer les fausses alarmes des oxymètres de pouls, de nombreuses alarmes d’apnée ne sont toujours pas documentées sur les feuilles de constantes des patients.
Dans l’étude de PE Brockmann et coll. les alarmes et les interventions notées par les soignants chez 21 grands prématurés ont été comparées sur une période de 24 heures aux données objectives fournies par une polysomnographie et une vidéo avec une caméra infra-rouges.
Les sujets avaient un terme moyen de 27,5 semaines et un poids moyen de 1 018 g à la naissance. Ils ont été enregistrés et filmés à l’âge médian de 15,5 jours (extrêmes : 3-65 jours), alors qu’ils étaient traités avec une pression positive continue nasale et de la caféine. Après l’exclusion des temps de soins et d’alimentation, il est resté en valeur médiane 19,9 heures de temps pour la comparaison avec les alarmes et les interventions notées par les soignants.
Au total, 968 désaturations (Sa02 < 80 %) et 415 bradycardies (FC < 80/min) ont été recensées sur le tracé de polysomnographie ; 110 désaturations et 20 bradycardies avaient une durée de 20 secondes ou plus. Les soignants n’ont noté que 23 % des désaturations, avec des bradycardies dans 60 % des cas. Même quand les désaturations et les bradycardies duraient 20 secondes ou plus, ils ne les ont consignées que dans 35 % des cas. Le coefficient de corrélation intraclasse entre la polysomnographie et les notations des soignants était de 0,51 pour les bradycardies (p=0,008) mais de seulement 0,14 pour les désaturations (p=0,27). Il n’est pas possible de dire si les écarts entre les notations des soignants et les données objectives étaient dus à un défaut de reconnaissance des alarmes ou à un manque de réactivité.
D’après la vidéo, les soignants sont intervenus à 225 reprises auprès des prématurés mais ils ne l’ont noté que dans 39 % des cas. Les deux principales interventions étaient des stimulations tactiles (n=57) ou des aspirations nasopharyngées suivies d’un supplément d’oxygène (n=23). La discordance entre ce qui a été fait et ce qui a été noté peut s’expliquer par un manque de temps ou une appréciation clinique favorable.
Au total, la documentation des alarmes dans les unités néonatales ne paraît pas suffisamment précise pour améliorer la compréhension et le traitement des apnées idiopathiques du prématuré. Les auteurs se demandent si la méconnaissance d’un certain nombre d’alarmes par les soignants ne peut pas avoir un retentissement sur le neurodéveloppement des enfants.
Dr Jean-Marc Retbi