La schizophrénie pourrait être d’abord une maladie cognitive

Dans nos conceptions classiques, la schizophrénie relève du champ des psychoses dont elle constitue même un élément emblématique. Mais un article de Jama Psychiatry invite à s’interroger sur le bien-fondé de cette vision traditionnelle : et si le « noyau dur » de la schizophrénie n’était pas vraiment son caractère psychotique, mais plutôt son aspect de déficit cognitif ? Selon plusieurs études, on constate même que ce déclin cognitif peut « précéder de près d’une dizaine d’années » l’émergence clinique de la schizophrénie. Pour les auteurs, la méconnaissance prolongée de ce versant déficitaire a contribué à freiner la compréhension de cette maladie, et surtout son traitement, car les neuroleptiques n’ont pas d’incidence appréciable sur le déclin cognitif, fréquent dans la schizophrénie : « depuis l’introduction du premier antipsychotique, voilà plus de 50 ans, le pronostic évolutif de la schizophrénie n’a guère évolué. »

Ce statu quo pourrait s’expliquer par le fait que la schizophrénie ne serait pas primitivement un trouble psychotique, mais d’abord et essentiellement un trouble d’ordre cognitif. Les auteurs de cet article empruntent la voie tracée par Kraepelin lui-même : en décrivant initialement sous le nom de « démence précoce » cette maladie (que Bleuler renommera ensuite « schizophrénie »), Kraepelin mettait ainsi l’accent sur le déclin cognitif où il voyait « la manifestation primaire de la maladie. » Bien que la question de savoir si les fonctions cognitives continuent de décliner après l’apparition clinique de la schizophrénie soit toujours débattue, il est clair que « ce fonctionnement cognitif est en lien avec l’évolution de la maladie et peu influencé par le traitement antipsychotique. »

 Sans remettre en question l’intérêt des neuroleptiques comme médicaments visant à réduire l’intensité du versant psychotique de la schizophrénie, cette conception incite à s’attaquer aussi –et même en priorité– à son versant cognitif, en diagnostiquant précocement le déclin cognitif et en promouvant les méthodes de remédiation cognitive visant à contrer ou atténuer ce déclin. 

Dr Alain Cohen

Référence
Kahn RS et Keefe SE : Schizophrenia is a cognitive illness. Time for a change in focus. Jama Psychiatry 2013; 70: 1107–1112.

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Vos réactions (1)

  • Avoir un marqueur permettant le dépistage précoce

    Le 05 décembre 2013

    C'est très séduisant, mais le réconfort d'une telle annonce l'emporte de peu sur l'angoisse qu'elle peut procurer. Dans presque toutes les maladies cognitives c'est avant l'apparition de la maladie qu'il faudrait faire le diagnostic ce que l'on arrive pas encore à réaliser. Dans le cas de la schizophrénie, on ne connait pas les zones qui pourraient participer à ce déclin cognitif, ni le mécanisme d'action.
    Il reste beaucoup à faire. L'idéal pour ces maladies serait d'avoir un marqueur permettant le dépistage précoce de la maladie, c'est ce que les chercheurs essaient de trouver sans encore beaucoup de succès même si l'imagerie permet dans les formes familiales de la maladie d'Alzheimer de diagnostiquer celle-ci avant l'apparition des premiers symptômes.

    Daniel Faucher

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