
L’augmentation de la consommation de ces boissons va de pair avec la mise en évidence de leurs nombreux effets secondaires potentiels. La plupart de ces effets adverses ont été attribués à la teneur élevée en caféine de ces boissons qui contiennent d’ailleurs bien d’autres ingrédients. De plus, les adolescents associent ces boissons à l’ingestion d’alcool, et à celle d’autres substances, ce qui majore le risque de survenue d’effets secondaires.
Les données concernant les complications cardiovasculaires associées à la prise de boissons énergisantes restent éparses et limitées. C’est ce qui a conduit M. Goldfarb et coll. à revoir tous les cas publiés entre 1980 et 2013 et à analyser les caractéristiques cliniques, le profil de la consommation de ces breuvages, les co-ingestions et les résultats des examens cardiovasculaires pratiqués. Ils ont ainsi répertorié 15 cas d’accidents cardiovasculaires (arythmies auriculaires : 5 cas ; arythmies ventriculaires : 5 cas ; allongement de l’intervalle QT : 1 cas ; sus-décalage du segment ST : 4 cas) auxquels ils ont ajouté 2 cas d’arrêt cardiaque survenus dans leur propre institution.
Ces 17 sujets étaient âgés de 13 à 58 ans, 13 étaient des hommes et 15 d’entre eux avaient moins de 30 ans. Seul un de ces sujets avait des antécédents cardiaques mineurs.
Dans la plupart des cas, les investigations cardiaques n’ont pas mis en évidence d’anomalies qui auraient prédisposé à la survenue de l’événement cardiovasculaire.
Parmi les 11 sujets victimes d’accident cardiovasculaire sérieux (à savoir, arrêt cardiaque, arythmies ventriculaires, sus-décalage du segment ST), 5 ont signalé avoir bu de grandes quantités de boisson énergisante, 4 avouaient une co-ingestion d’alcool ou d’autres drogues et 2 présentaient une canalopathie.
Plusieurs facteurs expliquent la nocivité cardiovasculaire des boissons énergisantes qui sont souvent consommées rapidement et en grande quantité. La caféine augmente le taux des catécholamines circulantes. A noter que la caféine n’apparait pas toujours en tant que telle sur l’étiquette du produit car elle est incluses dans divers additifs (guarana, noix de kola…) qui en contiennent des quantités non négligeables. Par ailleurs, les boissons énergisantes augmentent l’agrégation plaquettaire et altèrent la fonction endothéliale ; en outre, il a été montré expérimentalement que, consommées avant un effort, elles diminuent le flux myocardique et augmentent la consommation d’oxygène du myocarde, toutes interactions qui favorisent l’ischémie cardiaque. Quant à l’hypokaliémie, elle est proportionnelle à la quantité de caféine absorbée et peut contribuer à l’apparition de troubles du rythme ventriculaire ou d’une mort subite. Enfin, les boissons énergisantes peuvent révéler une maladie des canaux (sodique, calcique ou potassique) à l’échelon cellulaire en allongeant l’intervalle QT ou en bloquant la conduction du canal sodique.
En conclusion, les boissons énergisantes peuvent être à l’origine d’accidents cardiovasculaires dont certains peuvent être potentiellement très graves. S’il est vrai que le nombre de cas rapportés peut paraitre faible par rapport au grand nombre des consommateurs de ce type de boisson, il faut souligner que la fréquence réelle des événements cardiovasculaires est largement sous-estimée car ils sont loin d’être tous publiés. Des études épidémiologiques seraient nécessaires afin d’estimer l’amplitude réelle du risque cardiaque associé à l’ingestion de boissons énergisantes et d’identifier ceux parmi les consommateurs potentiels qui seraient les plus vulnérables.
Dr Robert Haïat