A quoi servent les hoax ?

Paris, le samedi 25 janvier 2014 – Hier, on souriait aux canulars de potache déguisées en fausses nouvelles, aujourd’hui on préfère ricaner avec les « hoax ». Entre les premiers et les seconds, guère de différence, en particulier en ce qui concerne les outils utilisés : photo montage, convocation de faux experts ou encore détails en résonnance avec l’actualité pour renforcer davantage le trouble (et l’hilarité). En outre, de la même manière que les faux journaux d’antan, le « hoax » a parfois une vocation militante, le souci derrière le rire de transmettre un message. Mais, ce qui différencie peut-être les hoax de leurs ancêtres, c’est que grâce à internet, ils sont beaucoup plus souvent amenés à être diffusés comme de véritables informations.

Mauvais coup de pub

C’est ce qui s’est produit le 16 janvier dernier et le premier à s’être fait prendre au piège fut le Daily Mail. « Les Pékinois ne voient tellement plus le soleil, du fait de la pollution de l’air massive qui fait suffoquer la capitale chinoise, qu’ils sont contraints de l’observer sur de grands écrans télévisés. Voilà l’information publiée par le journal britannique Daily Mail le 16 janvier », nous résume sur son blog dédié à l’écologie, la journaliste du Monde Audrey Garric. Photo à l’appui où l’ont peut voir sur la place Tiananmen totalement embrumée un écran géant montrer l’astre rougeoyant, le phénomène a été commenté par plusieurs journaux se désolant que les Chinois en soient réduits à de telles extrémités. Sauf, que l’image qui fut à la base de ces analyses fumeuses était fortuite. « Ce soleil rougeoyant (…) n’est pas un subterfuge des autorités locales mais une publicité touristique pour la province du Shandong (…). Cet écran diffuse des publicités tous les jours de l’année, quel que soit le niveau de pollution (…). Les Pékinois n’ont donc pas afflué devant cet écran pour voir le lever de soleil ».

Une réalité plus fumeuse encore

Si l’on ignore quels sont ceux qui se cachent derrière la diffusion de cette blague lumineuse (ou s’il s’agit seulement d’une interprétation un peu rapide du Daily Mail d’une photo prise à Pékin, ce qui sortirait cette information du champ des canulars), pour Audrey Garric, ce pseudo « hoax » est une fois encore l’occasion d’évoquer des enjeux plus sérieux. En effet, si les Pékinois n’ont pas (encore) besoin d’écrans géants pour voir le soleil, ils n’en sont pas moins les victimes d’une pollution atteignant des niveaux catastrophiques. « La pollution n’en reste pas moins un grave problème en Chine, que les autorités ne parviennent pas à gérer. Le 16 janvier, Pékin enregistrait ainsi un pic de 671 microgrammes de particules fines PM2,5 (les plus dangereuses car en raison de leur diamètre de 2,5 micromètres, elles pénètrent profondément dans les poumons) par mètre cube d'air, selon l'ambassade américaine. C’est 27 fois le seuil de 25 μg/m3 recommandé par l'Organisation mondiale de la santé pour une exposition de 24 heures. (…) Conséquence : la pollution de l’air extérieur a provoqué 1,2 million de morts prématurées en Chine en 2010, soit presque 40 % du total mondial des morts prématurées dues à cette source de maladies, selon une vaste étude (…) publiée en décembre 2012 dans l'hebdomadaire médical britannique The Lancet », nous rappelle Audrey Garric.

Expert du gigantisme radioactif

Ce n’est pas la première fois que la journaliste s’amuse à repérer les « hoax écolo » comme elle les baptise. Et ce n’est pas la première fois non plus qu’elle ne se contente pas de susciter l’amusement en relayant ces fausses nouvelles. Début janvier déjà, elle revenait ainsi sur les photos d’un calamar géant censé s’être échoué sur les rives de Californie, images illustrées par les commentaires doctes de spécialistes tel que le professeur Martin L. Grimm « expert du gigantisme radioactif », suggérant un lien entre cette « mutation génétique » et la catastrophe de Fukushima. Audrey Garric démontait pour ses lecteurs les stratagèmes des blagueurs : « Cette photo de calamar est en réalité un simple photomontage. Le cliché d'origine montre un céphalopode décapode certes géant, mais de taille bien plus réduite : 9 mètres de long, pour un poids de 140 kg. Il a été découvert le 1er octobre dernier, échoué sur une plage de la communauté autonome de Cantabrie, dans le nord de l'Espagne (…). Cette photo a ensuite été insérée dans une autre, qui montre des gens observant une baleine échouée dans le golfe d'Arauco, près de Concepcion au Chili, le 3 novembre 2011. Le site californien Lightly Braised  Turnip (à l’origine de la diffusion de l’information, ndrl) paraît coutumier du fait : il s'agit d'un site de fausses nouvelles satiriques (…). Ainsi, les scientifiques cités par l'article n'existent pas : point de professeur de biologie Martin L. Grimm, soi-disant "expert du gigantisme radioactif" à l'université de Santa Marino ».

De l’intérêt de vivre profondément

Mais une fois encore, Audrey Garric ne s’en tient pas là et décrypte le hoax en rappelant d’une part que « la contamination radioactive se poursuit bel et bien autour de la centrale de Fukushima ». Et la journaliste ajoute plus loin : « Conséquence pour la faune marine (et donc la pêche) : les poissons benthiques (poissons de fond), comme les raies, flétans, grondins ou congres, qui vivent en relation avec les sédiments, sont contaminés et dépassent plus fréquemment la norme de commercialisation de 100 Bq/kg ». Mais qu’on se rassure, le calamar géant n’est pas encore à nos ports. « De très forts niveaux de doses pourraient entraîner une altération génétique et par exemple des effets sur la reproduction. Mais rien n'a été mis en évidence. Surtout pas sur les calamars, qui vivent à de très grandes profondeurs - supérieures à 500 mètres, soit bien plus que les fonds autour de Fukushima - que la radioactivité n'a pas encore atteintes » explique cité par Audrey Garric Jean-Christophe Gariel, directeur de l’environnement à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Si vous avez trouvé cet article géant ou si vous pensez au contraire qu’il est totalement faux, vous pouvez allez vous promener sur le blog d’Audrey Garric à la recherche des hoax : http://ecologie.blog.lemonde.fr/.

Aurélie Haroche

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