L’été dernier une nouvelle application mobile faisait son
apparition : « Roulez éveillé ». Cette appli, comprenant des
conseils et un test de vigilance à réaliser avant de prendre le
volant, est sans doute plus qu’un gadget. La somnolence au volant
est en effet un réel problème de sécurité routière. Selon
l’association pour la prévention routière, elle serait à l’origine
d’un accident mortel sur 3 sur l’autoroute. Les études suggèrent
que 6 à 20 % du total des accidents de la route auraient pour
origine l’endormissement du conducteur.
Deux études récentes apportent un complément d’informations sur ces
relations entre la somnolence au volant et le risque d’accident.
Dans l’étude P. Philip et coll. (1), 272 patients ont été recrutés
aux urgences des CHU de Bordeaux et de Libourne à la suite
d’accidents de la route. Ces patients ont été « appariés » selon le
moment de la journée à 272 autres conducteurs, arrêtés au cours de
contrôles routiers de routine, et n’ayant pas eu d’accident.
Dans le groupe des accidentés, 6,2 % relatent un épisode
d’endormissement au volant avant l’accident, et 11,1 % estiment que
la somnolence a pu contribuer à la survenue de leur accident. En
parallèle, Les conducteurs du groupe témoins n’évoquent une
somnolence que dans 1,1 % des cas.
L’enquête menée par les auteurs de cette étude sur les éléments
prédictifs du risque d’accident confirme que les anomalies ayant
trait au sommeil y sont largement prédominantes. Sur la dizaine de
facteurs identifiés, 7 au moins se rapportent de près ou de loin au
sommeil : la prise, au cours de la semaine précédente, d’un
traitement antidépresseur (OR [odds ratio] = 40,02), ou contre
l’insomnie (OR = 33,42), un épisode d’endormissement au volant
avant l’accident (OR = 21,34), ou encore l’absence de pause, qui
multiplie par 6 le risque d’accident, tout comme le fait de
conduire sur l’autoroute. D’autres paramètres, interviennent aussi
de manière significative : la prise de plus de 2 médicaments dans
les 24 heures précédant l’accident (0R = 4,94), une mauvaise
qualité de sommeil et des nuits de moins de 6 heures depuis 3
mois.
Dans l’étude Sauvagnac (2), récemment publiée, des chauffeurs de
poids lourds confirment la forte prévalence de la somnolence au
volant. Sur 375 chauffeurs routiers interrogés sur une aire de
repos d’autoroute, 32 % pensent être « à risque d’accident » à
cause de la somnolence, 9 % se sont arrêtés sur l’aire de repos
pour cette même raison et 3 % disent avoir échappé de justesse à un
accident à cause d’un endormissement. L’évaluation de la somnolence
de ces chauffeurs routiers par l’échelle d’Epworth donne un score ≥
10 chez 14 % d’entre eux (score témoignant d’une somnolence
accrue).
Si la prévention routière et les applis mobiles sensibilisent les
conducteurs à l’aide de slogans chocs, les médecins ont une place
de choix dans la prévention en informant notamment les patients sur
les risques liés à la prise de certains médicaments ou en
systématisant le dépistage des pathologies du sommeil chez ceux qui
passent beaucoup de temps sur la route.
Dr Roseline Péluchon