
La biopsie du ganglion sentinelle (GS) a été proposée dans les années 90 pour les patients atteints de mélanome malin (MM) cutané en alternative à la lymphadénectomie systématique, source de comorbidité et n’apportant aucun bénéfice à une majorité de malades. Cette technique, peu invasive, permet d’identifier le premier ou les premiers ganglions qui drainent la zone de la tumeur cutanée. L’absence ou la présence de métastase au niveau de ce GS sont supposées refléter le statut des autres ganglions régionaux.
L’étude MSLT-1 (Multicenter Selective Lymphadenectomy Trial) a été débutée en 1994 pour déterminer si la biopsie du GS permettait effectivement d’identifier les patients porteurs de métastases ganglionnaires régionales occultes et si la lymphadénectomie entreprise immédiatement sur la foi de résultats positifs de la biopsie procurait un meilleur pronostic qu’une lymphadénectomie retardée effectuée uniquement lorsque un envahissement ganglionnaire était constaté au cours du suivi.
Les malades inclus avaient un mélanome primitif d’épaisseur (indice de Breslow) de 1 mm ou plus et de niveau de Clark (niveau de pénétration de la tumeur dans les couches anatomiques de la peau) de III. C’est en effet dans ce groupe de patients que les modèles statistiques avaient montré une possible influence positive de la précocité de la lymphadénectomie sur la survie.
2000 patients avec des tumeurs de plus de 1 mm
A la fin de l’enrôlement en 2002, 2 001 patients avaient été inclus (340 avec un MM peu épais > 1mm et < 1,2 mm, 1 347 avec un MM d’épaisseur intermédiaire > 1,2 mm et < 3,5 mm et 314 avec un MM épais >3,5 mm). Ils avaient été de manière randomisée assignés à l’un des deux groupes suivants : exérèse large du mélanome (2 à 3 cm de marge) associée à une biopsie du GS (groupe biopsie ; 60 % des sujets) et lymphadénectomie immédiate en cas de biopsie positive, ou exérèse large du mélanome puis surveillance du statut ganglionnaire (groupe observation ; 40 % des sujets) et lymphadénectomie ultérieure en cas de développement de métastases.
Les résultats intermédiaires à 5 ans de cet essai ont montré la faisabilité et la bonne performance de la technique de la biopsie du ganglion sentinelle : un GS est identifié chez 99,4 % des patients et permet de déterminer correctement le statut pathologique des autres ganglions régionaux dans 99,4 % des cas. Ils montraient également que la lymphadénectomie dictée par une biopsie positive protège les patients du risque de récidive. Ceci a conduit à établir des guidelines recommandant la biopsie du ganglion sentinelle pour les patients présentant un mélanome cutané d’épaisseur intermédiaire voire plus épais.
Confirmation du bénéfice à 10 ans
Les résultats publiés dans le New England Journal of Medicine cette semaine confirment la validité de cette position. Ils concernent l’évolution à 10 ans des patients inclus dans MLST 1.
Sur la population totale de l’étude, il n’y a pas de différence significative du taux de survie spécifique à 10 ans entre les deux groupes biospie/observation (20,8 % en cas de métastases ganglionnaires vs 79,2 % sans métastases). En revanche, les taux moyens de survie sans récidive à 10 ans sont significativement meilleurs dans le groupe biopsie que dans le groupe observation, pour les patients ayant un mélanome d’épaisseur intermédiaire (1,2 à 3,5 mm) : 71,3 ± 1,8 % vs 64,7 ± 2,3 % (Hazard ratio [HR] de récidive ou métastase : 0,76 ; p=0,01) et ceux avec un mélanome épais de plus de 3,5 mm (50,7 ± 4 % vs 40,5 ± 4,7 % ; HR 0,70 ; p = 0,03).
La prise en charge basée sur la technique de la biopsie du ganglion sentinelle améliore le taux de survie à 10 ans sans atteinte à distance (HR pour les métastase à distance : 0,62 ; p = 0,02) et le taux de survie spécifique à 10 ans (HR pour le décès lié au mélanome : 0,56) chez les patients ayant un mélanome d’épaisseur intermédiaire avec des métastases ganglionnaires.
La biopsie du ganglion sentinelle doit donc être proposée aux patients atteints d’un mélanome de plus de 1,2 mm d’épaisseur : elle permet d’identifier ceux qui sont porteurs de métastases ganglionnaires régionales occultes et de réaliser une lymphadénectomie immédiate avec pour conséquences une amélioration de la survie sans métastases à distance et de la survie spécifique.
Dr Marie-Line Barbet