
Paris, le samedi 22 février 2014 – Avec près de 58 000 étudiants inscrits sur les bancs de la PACES (Première année commune aux études de santé) et 7 500 places ouvertes en deuxième année en médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique, le pourcentage de réussite ne dépasse pas les 13 %. Des différences importantes existent cependant entre les universités et Lille abrite un petit miracle : sa faculté catholique, organisme privé, affiche un taux d'admission de 21 %. C’est le professeur Guy Vallancien qui revient sur son blog « Santé 2020 » hébergé par le Monde sur cette particularité. Habitué à aborder tous les sujets à forte valeur polémique intéressant les médecins et à défendre sur ces questions une position loin des avis politiquement correct, le célèbre urologue s’est en effet récemment intéressé au fiasco de la première année de médecine.
La sélection a fait son travail d'amont
Cette réflexion lui a donc permis de mettre en évidence le cas particulier de la faculté catholique de Lille. « Par quel miracle cette petite université a-t-elle ainsi acquis la première place au classement. Sa taille d’abord, seuls 500 étudiants sont inscrits, mais lesquels ? Pas tous bien sûr, seulement celles et ceux dont le cursus scolaire est prometteur. La sélection, honnie des syndicats d’étudiants qui hurlent au retour du mandarinat, a fait son travail d’amont. Les lycéens peuvent déposer leur dossier dès le mois de janvier et sont retenus sur leurs notes du bac. On sait que la relation entre le type de section du bac et la mention sont des éléments déterminants dans le résultat, le maximum de chance revenant aux bacs S mention très bien, et de loin » relate Guy Vallancien. On s’en doute aisément, l’auteur du blog « Santé 2020 » ferait bien de cet établissement de Lille un exemple à suivre.
Au nom de l’égalité, une mauvaise équation
« La sélection par l’échec » qui caractérise le système actuel doit en effet cesser selon le professeur. On le sait, comme le rappelle en filigrane Guy Vallancien, les associations étudiantes sont contre une sélection préalable à l’inscription, rappelant que le libre accès à l’université est un gage d’égalité. Cependant, dans les faits, « l’égalité des chances entre les classes sociales » est encore loin d’être acquise dans l’enseignement supérieur en général et sur les bancs des facultés de médecine en particulier. L’Association nationale des étudiants en médecine de France confirmait en 2008 que « 49 % des étudiants en santé sont issus de classes sociales dites supérieures ». Or, un moyen de faire évoluer cette situation pourrait être d’augmenter le nombre de bourses et de faire progresser le montant de ces dernières. Comment atteindre un tel objectif en cette période de disette budgétaire ? Le professeur Guy Vallancien propose une équation simple : « En acceptant seulement 20 000 étudiants en première année de médecine, l’économie serait de près de 340 millions d’euros (9 000 euros/étudiant/an) qui pourraient être justement distribués en bourses pour les impétrants sans moyens de poursuivre des études longues. En retirant le coût des 12 500 collés en première année (112 millions), on pourrait alors subventionner 2 200 étudiants (30 %) en leur octroyant une vraie bourse d’études de 100 000 euros chacun, soit 15 000 par an sur les six premières années avant l’internat. Le gâchis actuel est immense et inadmissible. Il pénalise avant tout les moins nantis de nos étudiants. Nous avons, au prétexte d’un égalitarisme de façade, crée le système de formation initiale le plus inique qui soit, tout en refusant de l’admettre, parés de nos oripeaux républicains mal ajustés » remarque Guy Vallancien.
Un appel ayant peu de chance d’être entendu
Après cette brillante démonstration, sans doute conscient qu’il a peu de chance d’être entendu, Guy Vallancien ose lancer un appel aux ministres responsables de ce dossier. Il y définit les « quatre priorités » qui devraient inspirer les pouvoirs publics s’ils étaient tentés par une nouvelle réforme des études médicales. Il insiste sur le fait que « la sélection s’impose en retenant les meilleures bacheliers quelle que soit la filière, littéraire et technique comprises » (et ce même si Guy Vallancien remarque lui-même quelques lignes plus tôt que « le maximum de chance revient aux bacs S mention très bien »). Il invite par ailleurs à « faire payer le prix qu’il faut pour assurer un enseignement personnalisé », à « promouvoir de vraies bourses d’un niveau autrement élevé que ceux actuellement proposés » et à « repenser le contenu scientifique des études médicales qui n’est plus adapté à la pratique ».
Tout un programme à relire ici : http://sante2020.blog.lemonde.fr/2014/02/04/facultes-de-medecine-en-finir-avec-la-selection-par-lechec/
Aurélie Haroche