Les associations de lutte contre le Sida servent-elles encore à quelque chose ?

Le premier Sidaction en 1994, on reconnait au premier plan Line Renaud, Cleews Vellay (ancien président d’Act Up), le Pr Luc Montagnier ou encore Pierre Bergé

Paris, le vendredi 4 avril 2014 – Vingt ans après sa première édition, la grande opération de collecte de fonds au profit de la lutte contre le Sida débute aujourd’hui sur la plupart des chaînes de télévision et les stations de radio de France. Le lancement du Sidaction et cet anniversaire symbolique ont déjà été l’occasion de rappeler le baiser flamboyant de Clémentine Célarié et Patrice Janiaud, séropositif, sur le plateau de l’émission lors de la première édition. Ce geste qui est resté dans les mémoires avait contribué au succès de la collecte (quand la seconde avait été ternie par la violente interpellation de militants d’Act up grondant contre la France). Nous sommes aujourd’hui bien loin de ces opérations coup de poing, qui témoignaient alors du caractère passionnel de la lutte contre le fléau. Désormais, le Sidaction est un sage show télévisé, au cours duquel défilent les stars ; concours de chants et de bons sentiments qui n’a pas toujours échappé aux critiques et qui a sans doute contribué à l’irrégularité des résultats. Néanmoins, après avoir récolté 5,1 millions d’euros en 2013, soit une hausse de 25 % par rapport à l’année précédente, le Sidaction ne se porte pas si mal.

Les associations meurent : une bonne nouvelle ?

Ce n’est pas le cas de la plupart des associations de lutte contre le Sida. Chez Act up et Aides l’ambiance est plutôt morose. Pour la première, dont sept des huit salariés sont au chômage technique depuis le mois de janvier, une décision de redressement judiciaire vient d’être prise, afin de sauver ce qui peut encore l’être. Chez Aides, on s’apprête à appliquer une réduction du personnel de l’ordre de 10 %. Les raisons de ces difficultés sont semblables : à la baisse des dons s’est ajoutée une diminution des subventions des pouvoirs publics. Désormais, en effet, le Sida ne figure plus comme une priorité exceptionnelle pour les agences régionales de Santé (ARS). Cette évolution se justifie à plus d’un titre. Aujourd’hui le Sida bénéficie de traitements efficaces, qui ont transformé cette infection très souvent mortelle en maladie chronique et il est loin le temps où la mobilisation contre l’épidémie constituait une urgence. Maladie chronique, le Sida est en outre une maladie bien moins fréquente que nombre de fléaux qui affectent nos compatriotes : du diabète au coronaropathies et au cancer en passant par de nombreuses autres pathologies. Ce nombre limité de malades explique que les budgets soient revus en proportion et que la cause ne déplace plus les foules.

Des soutiens nécessaires

L’affaiblissement des associations, voire leur disparition, n’est cependant pas réellement une bonne nouvelle, qui signerait la victoire définitive. D’abord, parce que comme tous les autres patients atteints de maladie chronique astreints à un traitement parfois complexe et exigeant, les séropositifs nécessitent un soutien fort, notamment une éducation thérapeutique rigoureuse, un rôle que jouait Act up à travers ses groupes d’éducation thérapeutique et son bulletin d’information sur les traitements qui ont tour à tour disparu. Ensuite, parce que les séropositifs restent aujourd’hui l’objet de discriminations (d’une façon probablement plus marquée que pour les personnes souffrant d’autres maladies chroniques) et que face à elles il est important que des associations puissent jouer un rôle de vigie. Enfin, parce que le Sida reste une maladie sexuellement transmissible et aujourd’hui le nombre de nouvelles contaminations  ne diminue plus, tandis que les découvertes tardives concernent 27 % des nouvelles infections. Un travail d’information sur le dépistage et de prévention reste donc essentiel et à cet égard le silence assourdissant des pouvoirs publics, plus encore que la baisse de ses subventions, est jugée comme un scandale par beaucoup.

Aurélie Haroche

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