Moi, ministre de la Recherche...

Le professeur Yves Lévy dirige le service d’immunologie clinique de l’hôpital Henri Mondor à Creteil, il est conseiller spécial du secrétaire d'état à l'Enseignement supérieur et à la Recherche
Paris, le samedi 12 avril 2014 – L’INSERM a été sous le feu de l’actualité ces derniers jours avec le coup d’envoi des festivités organisées à l’occasion de son cinquantième anniversaire. Nous avons eu nous même l’occasion de revenir sur l’histoire et le parcours de cet institut de recherche qui n’est pas sans participer à la gloire de la France. Nous nous sommes moins attardés sur les enjeux politiques associés à ce grand institut de recherche. Ils ne sont cependant pas minimes, comme l’illustre le fait qu’en cinquante ans le pouvoir politique a jalousement conservé la mainmise sur la nomination de son patron.

Le changement est-il vraiment pour maintenant ?

Les choses devaient changer avec le gouvernement actuellement au pouvoir. Plus question que la nomination des directeurs des grands instituts de recherche demeure comme au temps de Sarkozy, Chirac (et Mitterrand…) le fait du prince. La grande profession de foi de transparence du Président de la République (résumée par la célèbre anaphore de son débat d’entre deux tous avec Nicolas Sarkozy) devait également s’appliquer au monde de la recherche. Las, comme dans d’autres domaines, il semble que les beaux principes énoncés connaissent quelques « égratignures ». C’est le journaliste scientifique Sylvestre Huet sur son blog « Sciences au carré » qui le constate dans un récent post qui débute par cette mise au point : « Il paraît que le futur Président Directeur général de l’Inserm va être nommé à la suite d’un « processus de sélection » en cours m’indique-t-on au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Cela fait sérieux. Le gouvernement ne nomme plus les patrons des organismes de recherche (CNRS, Inserm, CEA, INRA, INRIA, IRD…) comme avant. Avant la loi Fioraso qui prévoit effectivement, mais avec pas trop de détails sur la procédure, un appel d’offres, une sélection et un minimum de transparence dans le choix final. Il paraît… car c’est juste une histoire pour amuser les enfants (enfin, les chercheurs, qui ne trouvent pas ça drôle, on va le voir). Je prends donc le pari que le futur patron de l’INSERM (…) se nomme… Yves Levy, «conseiller spécial» au cabinet de la Ministre, mais qui a la haute main sur la biologie et la santé » prophétise le journaliste.

Le pouvoir a besoin d’hommes dociles

En se basant sur le témoignage de plusieurs chercheurs, dont certains ont compté parmi les six candidats auditionnés pour le poste de directeur de l’INSERM par le ministère de la Recherche, Sylvestre Huet affirme clairement que cette procédure de sélection est un leurre. « Au-delà de la personne qui sera nommée », le journaliste observe que cette affaire témoigne du refus du pouvoir, loin des effets d’annonce, de renoncer à son « contrôle » sur les instituts de recherche. « Les patrons des organismes de recherche ne doivent jamais élever le ton contre le ministère. Même lorsqu’ils savent que la politique actuelle de l’emploi scientifique est une catastrophe (…). La principale qualité d’un patron d’organisme de recherche dans la conjoncture actuelle est sa capacité à répondre positivement à toutes les demandes du pouvoir politique » analyse Sylvestre Huet.

Continuer à défendre ses beaux idéaux même si on les sait inapplicables (et/ou qu’on ne veut pas les appliquer)

Cette affaire illustre une nouvelle fois la difficulté du gouvernement actuel à concilier ses principes idéologiques et le principe de réalité ; difficulté qui ne préjuge en rien de la qualité des principes idéologiques ni du besoin réel et objectif de bénéficier d’alliés (quels qu’ils soient) sur le terrain, mais difficulté qui devrait parfois inciter à moins de superbe dans les promesses d’indépendance et de transparence. Pas sûr que la leçon soit parfaitement apprise.

Pour lire l’ensemble de l’analyse de Sylvestre Huet (et redécouvrir quels ont pu être les scandales des nominations « par le fait du prince »), vous pouvez vous rendre ici : http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2014/04/inserm-a-50-ans-le-futur-dg-pr%C3%A9-nomm%C3%A9-.html.

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