
Paris, le mercredi 16 avril 2014 – Enjeu majeur de santé publique, l’obésité mobilise de très nombreuses équipes de recherche à travers le monde. Parmi les multiples travaux engagés, beaucoup s’intéressent au rôle joué par le cerveau dans cette affection. A Paris, l’équipe du CNRS dirigée par Serge Luquet (Laboratoire Biologie fonctionnelle et adaptive) vient dans ce cadre de mettre en évidence chez la souris un mécanisme probablement essentiel. « Les triglycérides (…) pourraient agir dans notre cerveau, directement sur le circuit de la récompense, celui-là même qui est impliqué dans la dépendance aux drogues » écrit le CNRS dans un communiqué. Publiés dans la revue Molecular Psychiatry, ces résultats pourraient être très importants pour « mieux appréhender les causes de certains comportements compulsifs et de l’obésité », ajoute encore le CNRS.
Un bon biscuit n’est pas un rail de cocaïne
Si ces travaux marquent sans doute des avancées importantes dans la compréhension de l’obésité, l’assimilation des lipides aux drogues dures doit cependant toujours être appréhendée avec un certain recul. Il ne s’agit en effet pas de la première comparaison de ce type. On se souvient en effet comment en octobre 2013, les travaux de Jamie Honohan, diplômée en neurosciences de l’université du Connecticut avaient été beaucoup commentés. A partir d’expériences également menées chez la souris, notamment sur les célèbres gâteaux Oreo, il était en effet arrivé à la conclusion que les « aliments très gras ou très sucrés stimulent le cerveau de la même façon que les drogues ». Il n’en avait pas fallu plus pour qu’une partie de la presse déclare que les fameux biscuits pouvaient nous rendre aussi accrocs que la cocaïne. Un raccourci qui avait déplu à plusieurs spécialistes des addictions.
Sans système de récompense la vie serait bien triste
Ces derniers, dont le docteur Michel Lejoyeux avait en particulier observé qu’une telle comparaison risquait de dénier la gravité de la dépendance et la difficulté d’y échapper. Il est en effet souvent plus difficile de se passer de tabac, d’alcool ou de cocaïne que de mets gras et sucrés, à moins que l’on souffre d’une pathologie spécifique, favorisant les comportements alimentaires compulsifs. « Si on pensait tenir une nouvelle drogue et que l’on posait le diagnostic de l’addiction dès qu’une zone spécifique dans le cerveau, celle du système de récompense, était stimulée, on risquerait d’avoir une vie bien triste » observait encore Michel Lejoyeux. Ainsi le CNRS insiste bien sur le fait que les lipides pourraient être « des drogues dures pour notre cerveau » mais sans doute pas des drogues dures en elles-mêmes.
Léa Crébat