Vieux débat qui a une couleur ou une odeur écologique
L'information nutritionnelle a un effet distinct de celui des prix ou des revenus sur les comportements alimentaires et leurs modifications. Certainement, mais je ne ne suis pas certain pour autant que ceux et celles qui sont au plus près des informations toujours "nouvelles" sur la nutrition ont un meilleur capital santé, même si leurs revenus sont les plus élevés.
Vous en donnez un exemple souvent repris aussi bien par nos enseignants que par les "écolos" végétariens ou non. La viande nécessite beaucoup plus d'eau et plus de calories qu'un équivalent calorique d'origine végétale.
C'est une parfaite illustration de l'isodynamie ou de la loi isocalorique qui attribue à une même valeur calorique une même valeur nutritionnelle. Deux aliments différents ont la même valeur nutritionnelle puisque les équivalents caloriques sont égaux.. Elle est depuis les travaux de Ruebner au XIX° siècle, toujours enseignée et les résultats sont inscrits sur tous les emballages alimentaires.
En pratique non seulement cela conduit à la confusion entre un dessert et une plat de viande, mais cela rend équivalent 2 heures de sport et un dessert.
Depuis plusieurs décennies les médecins s'étonnent que dans les familles dont les revenus sont élevés nous observons des aberrations alimentaires qui s'inscrivent dans un contexte magique ou obéissent à des principes éthiques, voire religieux. Je pense à un article
"Les amaigrissements thérapeutiques et iatrogènes" par J.L. Codacionni, G. Fontaine, et D. Rossi, dans la Revue du Praticien du 11 janvier 1982, Tome XXXII, n+3, p. 273-281.
A la page 276, nous pouvons lire: "il est curieux que, dans la seconde moitié du XX° siècle, des aberrations alimentaires comme celles que nous venons d'énumérer puissent avoir la faveur du public, de certains milieux intellectuels d'un niveau élevé et même de milieux médicaux et paramédicaux dans les pays où les niveaux de vie et d'éducation sont satisfaisants".
En fait le végétarisme a une histoire : Dans l'évocation d'une nature harmonieuse d'un âge d'or préindustriel, les végétariens font naître l'espoir de concilier le futur avec le retour d'un mythe, celui du "bon sauvage". Pacifier avec l'animal nous protégerait sur le plan sanitaire et nous éviterait de nombreux excès. L'histoire de l'interdit religieux de la viande ou du cannibalisme religieux montre que la consommation de la "chair" a plus été réglementé que totalement interdite, mais avec le végétarisme, la morale semble prendre le pas sur la connaissance scientifique. L'enseignement de la médecine a aussi une histoire, mais les sciences de la nutrition ne nous sont pas enseignées.
Les erreurs scientifiques opérées au XIX° siècle, dans la modélisation scientifique de l'aliment par une approche anthropométrique et mécaniste simpliste, prolongent une perception "humorale" du vivant où les excès de sang, de chaleur ou de graisses sont autant les prétextes à des restrictions alimentaires ou à une abstinence plus morales que médicales.
La loi isocalorique ou l'IMC s'écartent du vivant et leurs descriptions empruntent des représentations familières à un environnement préindustriel: le soufflet, la pompe, le moulin.Elles évoquent tout autant la nostalgie d'un âge d'or, d'une nature qui reste propre et conservée. La machine à vapeur, locomotive bruyante et salissante avale la nature d'une façon irréversible en produisant cette chaleur et cette puissance sur terre comme sur mer vers des territoires à coloniser et vers de nouvelles ressources avec la menace de l'épuisement de nos propres ressources.
Nous étions nous même, bien avant d'inventer la machine à vapeur, des machine à vapeur. Pourquoi l'homéothermie ? Pourquoi sommes nous des animaux à sang chaud comme les oiseaux et les mammifères, terrestres ou marins. Un feu de paille pourrait il être autant efficace qu'un feu de bois dans une cheminée pour la cuisson d'aliments ou tout autre usage?
Les effets bénéfiques de la chaleur libérée hors de notre corps, notre réfrigération dans les capillaires de la peau et des poumons permet cette légère baisse de pression qui fait jouer la pression atmosphérique sur le retour veineux, sauf parfois en haute altitude, où malgré le froid ambiant, la baisse de pression de l'air peut donner le mal aigu des montagnes avec oedème pulmonaire ou cérébral.
Pour comprendre la nécessité de cette libération de chaleur, rappelons-nous la canicule de l'été 2003 en France et la surmortalité cardiaque des patients qui étaient malheureusement y compris à l'hôpital dans un environnement thermique trop élevé.
Les déplacements de chaleur dans nos organismes et hors de l'organisme ne nous sont pas enseignées. En l'absence d'une formation sur les applications pourtant simples des premiers principes de thermodynamique sur le vivant, comment s'étonner que l'information sur la nutrition soit déjà incomplète, mais surtout aussi effrayante aujourd'hui à l'égard de la viande ou du gras en général, comme elle l'était hier à l'égard de la chaleur et des fièvres contagieuses avant les antibiotiques et les vaccins ?
Dr Jean Minaberry Endocrinologue, Diabétologue, Nutritionniste, Bordeaux.
jeanminaberry(a)hotmail.com