
Paris, le jeudi 15 mai 2014 – Il y a un mois, sept chirurgiens de l’hôpital européen Georges Pompidou (HEGP), les professeurs Bernard Augereau-Vacher, Philippe Halimi, Emmanuel Masmejean, Nicolas Thiounn, Eric Vandenbusschge, Franck Zinzindohoue et le docteur Rachid Zedgi saisissaient le Procureur de la République et déposaient une plainte contre X pour « mise en œuvre d’un traitement automatisé de données personnelles clandestin, absence de déclaration préalable à la CNIL, défaut d’information des personnes dénommées, détournement de finalité des informations et divulgation illicite d’informations personnelles traitées ». En cause, la découverte, grâce à une lettre glissée dans le casier de plusieurs médecins, de l’existence d’un fichier non connu des intéressés et apparemment destiné à classer les chirurgiens en fonction de leur activité, utilisé et commenté par la directrice Anne Costa. « Je vous envoie un tableau des activités de chaque chirurgien en nombre d’interventions et minutes de bloc car l’un complète l’autre évidemment » écrivait en effet la directrice au doyen de la faculté de médecine René-Descartes et président de la Commission médicale d’établissement dans un mail intercepté à son insu. « En bleu, ceux qui me paraissent corrects et en jaune ceux qui me paraissent faiblards » ajoutait-elle. La découverte de ce tableau (qui comportait qui plus est selon les intéressés des données erronées) et des commentaires de la directrice provoqua la colère des chirurgiens et les a conduit à se tourner vers la justice.
Des inspecteurs de la CNIL débarquent à Pompidou
En réponse à cette plainte, une enquête a été ouverte ce lundi par le parquet de Paris et confiée à la brigade de la répression de la délinquance contre la personne (BRDP). Par ailleurs, la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) a confirmé des informations données hier par le Figaro concernant la réalisation par ses soins d’une perquisition au sein de l’HEGP ce mercredi 14 mai. Plusieurs personnes ont été auditionnées par les responsables de la CNIL, dont le professeur Alain Simon, président de la Commission médicale d’établissement (CME), l’un des destinataires du message d’Anne Costa qui est à l’origine du dévoilement de cette affaire.
L’AP-HP continuera-t-elle à soutenir coûte que coûte Anne Costa ?
L’ouverture de l’enquête et l’intervention de la CNIL
inciteront-ils la direction de l’Assistance publique des hôpitaux
de Paris (AP-HP) à une nouvelle stratégie face à cette affaire ?
Comme l’analysait pour nous récemment le professeur Bernard
Granger, membre de la CME de l’AP-HP, l’AP-HP a en effet semblé
choisi de soutenir sans nuance la directrice de Georges Pompidou.
Ainsi, a-t-il par exemple été plusieurs fois répété que la
violation d’une messagerie électronique (celle de la directrice en
l'occurrence) constituait une faute grave, ce qui a conduit l’AP-HP
à déposer une plainte en diffamation publique envers un
fonctionnaire, tandis que l’on a chuchoté (même si l’AP-HP l’a
fortement démenti) que Martin Hirsch aurait incité les praticiens
de Georges Pompidou à soutenir leur patronne dans la tourmente. La
décision du parquet de mener une investigation poussée et le refus
de la CNIL de se contenter de l’audit généralisé lancé par l’AP-HP
sur l’ensemble des fichiers personnels existant au sein des
hôpitaux pourraient affaiblir la légitimité de l’orientation prise
par l’AP-HP. Concernant l’autre fichier révélé également ces
dernières semaines, qui épinglait le comportement des
puéricultrices de la maternité Robert Debré, la CNIL a également
mené une perquisition il y a quelques jours. Cependant, on ne sait
si des poursuites judiciaires seront engagées.
Aurélie Haroche