
Paris, le mercredi 28 mai 2014 – Ces dernières années ont été marquées par des succès significatifs de la lutte contre la consommation de drogue (et la mortalité associée) en Europe. Cette évolution positive est confirmée par le dernier rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT). Ainsi, le nombre de décès provoqués par des overdoses (liées principalement aux opiacés) est passé de 7 100 en 2009 à 6 100 en 2012. Cette diminution a été rendue possible par des politiques actives de réduction des risques. C’est notamment la baisse de la consommation d’héroïne qui a favorisé ces résultats positifs : entre 2007 et 2012, le nombre de consommateurs de cette substance est passé de 59 000 à 31 000. Par ailleurs, les données concernant le trafic confirment cette tendance très encourageante. En outre, toujours sur le front des bonnes nouvelles, on constate au sein de l’Europe une stabilité, voire un recul de la cocaïne et du cannabis.
Des bonnes nouvelles en trompe l’œil
Cependant, ce tableau encourageant ne saurait constituer une photographie exacte de l’état des toxicomanies en France. La situation est en réalité faite de « complexités » selon le terme retenu par l’OEDT et de contrastes importants entre les différents pays européens, complexités et contrastes qui empêchent toute « autosatisfaction » remarque le directeur de l’institution, Wolfgang Götz. Il apparaît tout d’abord que les résultats favorables enregistrés quant à l’héroïne sont à nuancer en raison de la progression parallèle des opiacés de synthèse. Ainsi, le rapport relève que dans 17 pays, pour plus de 10 % des personnes prises en charge en raison d’une consommation d’opiacés, l’héroïne n’était pas le produit concerné. On constate d’ailleurs déjà dans certains pays que la plupart des victimes d’overdoses ont succombé à une consommation de fentanyl et non plus d’héroïne. De même, si les contaminations par le VIH chez les usagers de drogue ont très significativement diminué, des flambées en Grèce et en Roumanie, liées notamment à des restrictions budgétaires ayant touché les programmes de réduction des risques ne peuvent qu’inquiéter. De manière générale si la mortalité liée à la drogue est globalement en baisse, dans certains états, la tendance est différente comme en Estonie, Norvège, Irlande, Suède et Finlande. Des nuances sont également à apporter concernant le recul du cannabis, qui apparaît de plus en plus fortement dosée, comme l’ont mis en évidence plusieurs saisies.
Des imitations plus dangereuses que les originaux
A ces résultats contrastés, s’ajoute la poursuite de la progression des drogues de synthèse déjà signalée depuis quelques années. Fréquemment fabriquées dans des laboratoires clandestins en Chine ou en Inde, vendues sur internet grâce à des réseaux anonymes et présentées comme des « euphorisants légaux », ces drogues de synthèse se caractérisent par leur diversité et leur capacité à déjouer les méthodes traditionnelles de surveillance. Au cours de l’année 2013, 81 nouvelles substances ont été identifiées. Il apparaît que ces produits ont souvent vocation à imiter d’autres drogues et se révèlent parfois plus dangereuses que ces dernières. Le rapport de l’OEDT relève par exemple : « En avril 2014, le comité scientifique a procédé à une évaluation des risques de quatre nouvelles substances nocives : le 25I-NBOMe, l’AH-7921, la MDPV et la méthoxetamine. Ces produits sont vendus pour remplacer les drogues qu’ils sont destinés à imiter (et pourraient être encore plus nocifs que celles-ci), à savoir le LSD (hallucinogène), la morphine (opiacé), la cocaïne (stimulant) et la kétamine (un médicament aux propriétés analgésiques et anesthésiques) ».
Ainsi, si quelques batailles ont été remportées, la guerre est loin d’être gagnée.
Aurélie Haroche