
Paris, le mercredi 28 mai 2014 – Alors qu’était organisée le 19 mai dernier une journée nationale contre les hépatites virales, un rapport sur ce sujet élaboré par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS) commandé par le ministère de la Santé lui était remis. Ces travaux, conduits par le professeur Daniel Dhumeaux (CHU Henri Mondor) appelaient à une véritable « révolution », afin d’améliorer la lutte contre ces maladies. Ainsi, tous les aspects de l’action contre les hépatites étaient évoqués, le plus souvent sans concession, du dépistage à la prise en charge des malades. Le rapport invitait par exemple à « dépister et traiter sans état d’âme et sans jugement les usagers de drogue » et insistait sur l’importance « d’appliquer intégralement les stratégies vaccinales contre le VHB ». Ces recommandations s’intéressaient par ailleurs inévitablement aux nouveaux traitements contre l’hépatite C, les antiviraux à action directe (AAD) et notamment le sofosbuvir (inhibiteur nucléotidique de la polymérase NS5B) et le siméprévir (inhibiteur de deuxième génération de la protéase NS3/4A du VHC) qui pourraient être les armes de l’éradication de ce virus. Pour atteindre un tel objectif, il faudrait bien sûr pouvoir traiter l’ensemble des personnes atteintes d’hépatite C. Cependant, pour l’heure, les « modélisations et études coût-efficacité conduisent aujourd’hui à privilégier le traitement chez les patients ayant le risque le plus élevé de progression de leur infection ». Cette stratégie s’explique par le prix très élevé des AAD, un coût que le professeur Daniel Dhumeaux n’a pas hésité à qualifier « d’exorbitant ».
Diminuer les prix afin de traiter au moins 80 000 personnes
Ce terme « d’exorbitant » vient d’être repris par un communiqué signé par une vingtaine d’associations, dont Sos Hépatites Fédération, Médecins du Monde et Aides qui lancent un appel au gouvernement afin qu’il agisse en faveur d’une baisse des prix de ces nouveaux médicaments. Aujourd’hui, les prix avancés atteignent entre 60 000 et 80 000 euros pour une cure de trois mois (en ce qui concerne notamment le sofosbuvir des laboratoires Gilead). Pour les signataires du communiqué, de tels coûts risquent de créer une « prise en charge à deux vitesses ». Ils soulignent en effet qu’en raison de tels montant, la délivrance des médicaments pourrait ne pas se baser « sur les réels besoins en santé des personnes » mais sur « des critères non médicaux : mode de vie, situation administrative ou socio-économique des personnes touchées ». Les associations de patients ne peuvent se résoudre à une telle perspective et demandent à l’Etat d' « exiger un juste prix et donc à jouer son rôle de régulateur auprès des industriels afin de faire baisser les prix et de garantir l’accès à ces nouvelles molécules pour au moins 80 000 personnes atteintes d’hépatite C chronique, chez qui le traitement doit être initié selon les recommandations du rapport d’experts ».
Soigner un peu plus de la moitié des patients coûte le budget de l’AP-HP pour une année !
Cet appel ne fait que succéder à de multiples actions initiées ces derniers mois par plusieurs associations pour dénoncer le prix des AAD. L’association Act up a ainsi organisé plusieurs manifestations et communique depuis longtemps sur ce sujet sur son site internet, sans concession, on s’en doute, vis-à-vis des arguments des laboratoires (qui mettent en avant le coût de la recherche). De son côté, Médecins du Monde a récemment calculé que la prise en charge de 55 % des 232 000 patients atteints d’hépatite C chronique en France équivaudrait au budget de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris pour l’année 2014 !
Les traitements pour tous, c’est vraiment maintenant ?
Quelle sera la réponse du gouvernement face à ces appels et à ces projections ? Le ministre de la Santé a récemment clairement affiché son ambition d’un large accès aux nouveaux traitements contre l’hépatite C. « De nouveaux traitements de l’hépatite C arrivent sur le marché, ils vont changer la vie de milliers de malades. Certes ils sont chers, mais ils seront accessibles à tous ! » a-t-elle ainsi déclaré aux Echos fin avril, tout en présentant son programme d’économies, proposant là un exercice d’équilibriste, modèle du genre ! Au-delà de leur caractère paradoxal, de telles déclarations ne peuvent qu’interroger. L’apparente universalité promise par Marisol Touraine sera-t-elle en effet revue et corrigée ou les négociations avec les laboratoires permettront-elles au gouvernement de tenir sans faille sa promesse ? En l’absence de transparence sur les discussions avec les industriels, réclamées par les associations (mais peut-être pas absolument nécessaires si un résultat concluant est obtenu !), difficile pour le moment d’en savoir plus sur la stratégie des pouvoirs publics.
Il reste qu'il faut nécessairement tenir compte de deux impératifs contradictoire en apparence: permettre l'accès à ces nouveaux médicaments à tous ceux qui en ont réellement besoin et autoriser un prix couvrant les frais de recherche, de production et de commercialisation de ces produits ainsi que la marge du laboratoire.
Aurélie Haroche