Lève-toi et shoote

Sao Paulo, le samedi 14 juin 2014 – Si les contestations sociales de ces dernières semaines au Brésil ont révélé que les préoccupations principales de la population brésilienne sont assez éloignées de la Coupe du monde de football, l’annonce en octobre 2007 par la FIFA du choix de ce pays pour accueillir cette grande manifestation sportive en ce mois de juin 2014 avait cependant été saluée par une grande liesse populaire. Beaucoup de jeunes paraplégiques et leurs familles ont partagé ce mouvement de joie, oubliant pour quelques instants leurs difficultés. Certains ignoraient cependant alors qu’ils participeraient d’une façon absolument inimaginable pour eux à cet évènement planétaire.

Une autre image du Brésil

Miguel Nicolelis est un chercheur brésilien de 52 ans qui depuis le début de sa carrière, menée en grande partie au centre médical de l’université de Duke (Etats-Unis) se consacre à l’élaboration d’interfaces entre le cerveau humain et différentes machines (prothèse, ordinateur…) dont le fonctionnement repose sur l’utilisation et la transcription des signaux électriques émis par le cerveau. Son équipe avait ainsi créé l’évènement il y a une dizaine d’années en mettant en évidence comment des singes pouvaient parvenir à actionner un bras robotique grâce aux seules impulsions de leur cerveau. En 2009, alors qu’il concentre une grande partie de ses travaux à la création d’un exosquelette, le gouvernement Brésilien le sollicite afin que puisse être présentée lors de la coupe du monde une image un peu différente des clichés habituels. « J’ai alors suggéré de faire une démonstration scientifique pour montrer que le Brésil investit dans la science et les ressources humaines pour faire autre chose que du football » se souvient-il cité par le site Handicap.fr. Il fallait cependant que cette « démonstration » s’inscrive dans le cadre de la cérémonie d’ouverture. Bientôt, le projet se dessina : Miguel Nicolelis et son équipe allaient mettre au point un exosquelette dirigé par la pensée d’un jeune tétraplégique qui serait alors pendant quelques secondes capable de quitter son fauteuil, de se lever et de taper dans un ballon.

Marcher et sentir que l’on marche

Ce pari fou a été relevé dans le cadre du vaste projet international « Walk again » qui affirme vouloir « rendre les fauteuils roulants obsolètes ». Un exosquelette de 70 kilos baptisé « BRA-Santos Dumont », en hommage au grand pilote brésilien Alberto Santos-Dumont, a ainsi été créé. Puis vint le temps des essais. Huit jeunes paraplégiques ont été sélectionnés pour apprendre à utiliser ce dispositif qui se compose d’un casque d’électrodes qui permet l’enregistrement des influx électriques du cerveau du patient et leur transmission à un ordinateur. Celui-ci situé dans le dos du paraplégique transforme les signaux électriques en commandes « intelligibles » permettant la mise en mouvement de l’exosquelette. Enfin, le dispositif est complété d’un appareil sur l’avant bras, vibrant à chaque pas et donnant l’illusion au paraplégique que cette vibration émane de ses jambes. « L’avancée, c’est que non seulement nous arrivons à faire marcher une personne paralysée, mais qu’en plus nous parvenons à lui faire sentir qu’elle marche » observe enthousiaste Miguel Nicolelis.

Tacle contre les critiques

A travers les sambas et les capoeiras (on n’évite jamais complètement les clichés), face à l’attente fébrile du public de Jennifer Lopez et de la star brésilienne Claudia Leitte et au-milieu des impairs techniques (concernant notamment le son) l’exploit de ce jeudi soir, incarné par Juliano Pinto, 29 ans, dont l’identité avait été gardée secrète jusqu’au coup final, portant sur lui un foulard d’Alberto Santos-Dumont, n’a peut être pas eu finalement un retentissement à la hauteur du travail engagé et du symbole représenté. Sa joie, son bras levé, ont en effet souvent échappé aux caméras présentes, ce qui a suscité la colère de certains internautes. Cependant, l’équipe de Miguel Nicolelis ne peut que se féliciter de sa réussite. Celle-ci lui permet de faire totalement fi des critiques parfois entendues, dénonçant le caractère trop spectaculaire des présentations du chercheur brésilien, qui lui permettraient de capter trop facilement les subventions. Des commentaires que Miguel Nicolelis renvoient d’un tacle : « Nous avons réalisé un exploit : apporter la science sur un terrain de foot ».

Aurélie Haroche

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