Hépatite C : le traitement pour tous, ce n’est pas maintenant

Paris, le vendredi 4 juillet 2014 - L’arrivée très prochaine sur le marché de nouveaux médicaments de l’hépatite C, les antiviraux à action directe (AAD) et notamment le sofosbuvir (inhibiteur nucléotidique de la polymérase NS5B) et le siméprévir (inhibiteur de deuxième génération de la protéase NS3/4A du VHC) promettant une guérison complète de cette maladie est accueillie avec fébrilité tant par les associations de patients que par les spécialistes de cette maladie. Leur satisfaction est fortement amoindrie par le défi économique que représentent ces traitements. En effet, les prix avancés atteignent entre 60 000 et 80 000 euros pour une cure de trois mois (en ce qui concerne notamment le sofosbuvir des laboratoires Gilead). Ces montants paraissent en effet très difficiles à assumer pour la collectivité nationale et plus encore par les patients. Alors que des négociations sont en cours, le gouvernement a été récemment pressé par plusieurs associations « d’exiger un juste prix » et de « jouer son rôle de régulateur ».

Pas de bénéfice à titre individuel de l’utilisation précoce des AAD selon la HAS

Cet enjeu économique impose de soulever la question des indications de ces traitements. Doivent-ils être conseillés à tous les patients ou au contraire réservés à ceux aux stades les plus avancés ? Dans  son rapport rendu public au printemps, le professeur Daniel Dhumeaux (CHU Henri Mondor) observait que les « modélisations et études coût-efficacité conduisent aujourd’hui à privilégier le traitement chez les patients ayant le risque le plus élevé de progression de leur infection ».  En s’appuyant sur ce même rapport, ainsi que sur l’audition d’experts et de représentants d’associations de malades, la Haute autorité de Santé vient d’aboutir à des conclusions proches. Elle recommande en effet en premier lieu « de traiter d’emblée avec ces nouveaux traitements les malades ayant atteint les stades sévères de la maladie ». Elle assure en effet qu’à titre individuel, il n’y a pas d’argument en faveur d’une utilisation systématique des AAD, même s’il s’agit de traitements courts et bien tolérés.

Des prix pas parfaitement justifiés ?

Cependant, elle n’élude pas totalement la question d’une universalité des traitements, dont elle confirme les bénéfices à l’échelon collectif. Cependant, sans une « politique de dépistage permettant d’identifier les malades qui ignorent leur statut sérologique » (et ils seraient 90 000 selon certaines estimations), une stratégie reposant sur l’utilisation des nouveaux traitements pour tous raterait son objectif et se révélerait en outre fort coûteuse. La HAS en effet signale elle aussi les difficultés économiques importantes soulevées par l’arrivée de ces nouveaux médicaments. Elle indique ainsi s’inquiéter « du niveau de prix qui pourrait être attribué à ces traitements, et s’interroge sur la justification et la construction du prix revendiqué par l’industriel alors même que persistent de nombreuses incertitudes à ce stade sur l’efficacité à long terme et l’efficience de ces traitements » écrit la HAS. Cette réponse de la HAS illustre, il est clair, le très grand embarras provoqué au sein des pouvoirs publics par cette évolution thérapeutique majeure, dont il paraît difficilement pensable de priver les malades.

Quant à la discussion sur le prix de remboursement elle devrait, en toute logique, s'appuyer sur les coûts de recherche et de développement du laboratoire, les prix de fabrication mais aussi sur le nombre de malades qui seront à traiter et permettront d'amortir les coûts fixes. Mais ce nombre, essentiel à connaitre pour fixer un prix, dépend en grande partie des indications accordées par les autorités en se basant non seulement sur l'efficacité et la sécurité du produit (comme pour toute molécule) mais aussi, bien sûr, même si ce n'est pas explicite, sur le coût pour la collectivité et sur les possibilités financières de l'Assurance maladie...

Le serpent n'a donc pas fini de se mordre la queue. 

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article