Interdiction du don du sang aux homosexuels : la France va-t-elle trop loin ?

Paris, le vendredi 18 juillet 2014 – La France interdit aux hommes ayant eu des relations sexuelles avec d’autres hommes la possibilité de donner leur sang. A plusieurs reprises, les ministères de la Santé ont été interpellés sur la possibilité de lever cette mesure, mais tous, y compris Marisol Touraine, ont finalement renoncé à une telle évolution, face aux données épidémiologiques suggérant un risque, faible, mais néanmoins avéré.

La position française : une « discrimination évidente » selon la Cour européenne de justice

L’impossibilité pour les homosexuels de donner leur sang existe dans de nombreux autres pays, mais au fil des ans, certains états ont adopté des modifications. Ainsi, depuis 2011 en Grande Bretagne, les hommes n’ayant pas eu de relation sexuelle avec un autre homme depuis au moins dix ans peuvent donner leur sang. En France, l’interdiction vaut de manière permanente, dès lors que l’homme a eu au moins une relation avec un homme au cours de sa vie. Une telle restriction s’oppose-t-elle au droit européen ? L’Union européenne prévoit que « les personnes dont le comportement sexuel les expose au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang sont exclues de manière permanente du don de sang ». Cette formulation permet d’exclure du don du sang des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes sans protection ou ayant eu de telles relations à une époque relativement récente. Peut-elle cependant être jugée conforme à la position française ? Cette question était soulevée par un Français devant le tribunal administratif de Strasbourg, qui a saisi la Cour européenne de justice pour connaître son interprétation. Hier, l’avocat général de la Cour de justice, Paolo Mengozzi a estimé que « le seul fait pour un homme d'avoir eu ou d'avoir des rapports sexuels avec un autre homme ne constitue pas un "comportement sexuel" qui justifierait l'exclusion permanente d'un tel homme du don de sang ». Il observe encore que : « La règlementation française tend plutôt à considérer ce fait comme une présomption irréfragable d'exposition à un risque élevé, indépendamment des conditions et de la fréquence des rapports ou des pratiques observées ». Or une telle perception « introduit une évidence discrimination indirecte, fondée, de manière combinée sur le sexe et sur l’orientation sexuelle » a encore estimé l’avocat général, dont il est probable que la Cour suive son avis et condamne la France à faire évoluer sa législation.

Vers une réglementation à l’anglaise ?

Si la France est effectivement sanctionnée par la Cour et si elle ne parvient pas à faire entendre que ce qui peut apparaître comme une discrimination peut être justifiée par des impératifs de santé publique, elle décidera alors peut-être de s’orienter vers une réglementation proche de celle choisie en Grande-Bretagne, lui permettant de restreindre en très grande partie tout risque de contamination des stocks de produits sanguins, tout en évitant enfin l’accusation de discrimination. On rappellera qu’au-delà des questions sémantiques visant la définition d’un comportement ou d’un sujet à risque, certaines associations de lutte contre le Sida très proches des milieux homosexuels, telle Aides, ont publiquement émis leur réserve sur une levée de l’interdiction de l’accès au don du sang des homosexuels. Les médecins sont eux aussi majoritairement opposés à une telle évolution, comme l’a mis en évidence un sondage réalisé sur le JIM.

Léa Crébat

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