
Paris, le vendredi 18 juillet 2014 – Dans un rapport établi à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, rendu public cette semaine, la Cour des Comptes fait un bilan des relations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les professionnels de santé. Dans cet opus, les magistrats de la rue Cambon se montrent une nouvelle fois sans aucune indulgence pour la médecine libérale et pour l’Assurance maladie et concentrent, entre autres, leurs attaques sur la mise en place de la prime à la performance et sur la régulation des dépassements d’honoraires.
Peu efficace et trop cher
La Cour des Comptes rappelle que grâce à la prime à la performance, qui permet aux médecins de recevoir un « bonus » s’ils ont rempli certains objectifs, 85 000 médecins, le plus souvent généralistes, ont perçu au printemps une prime de 5 800 euros. Or, la Cour remet tout d’abord en cause « l’efficacité » de ce système, qui n’aurait pas réellement atteint tous ces objectifs sur le front de la santé publique. Elle juge par exemple que les résultats sont « contrastés » en ce qui concerne la prévention, citant notamment l’absence de progression de participation aux dépistages du cancer du sein ou de l’utérus. Des données mitigées qui n’empêchent pas les médecins de percevoir des primes significatives, puisque de nombreux autres indicateurs leurs permettent d’engranger des points. Sur le plan économique, elle observe par ailleurs le coût élevé de ce dispositif, qui a déjà engendré 341 millions d’euros de dépenses en 2013. Le CAPI était déjà à cet égard un « mauvais » exemple puisqu’il aurait coûté 12 millions d’euros pour une économie de 6 millions !
Une prime à la performance… mais aussi des sanctions en cas d’échec !
Face à ce mécanisme potentiellement délétère et en tout cas complexe, la Cour des Comptes ne propose pour autant pas la disparition de la prime à la performance, reconnaissant qu’il s’agit là d’un moyen d’augmenter la rémunération des médecins, alors que le tarif de l’acte reste stable. Elle appelle cependant à un certain nombre de modifications, dont la disparition de l’indicateur relatif à l’informatisation des cabinets et surtout la création de « sanctions » contrebalançant les primes. Les magistrats souhaitent ainsi que « les résultats insuffisants » puissent « réduire la rémunération finale », une préconisation qui repose sur l’idée que les indicateurs choisis par l’Assurance maladie sont tous pertinents et indiscutables, ce qui amoindrit la liberté des médecins… mais aussi celle des patients ! On le voit, cette critique s’écarte totalement des différentes observations suscitées par le système de la prime à la performance et notamment celles soulignant qu’il paraît parfois quelque peu étonnant de rémunérer une nouvelle fois des médecins pour la pratique quasiment normale de leur métier !
Dépassements d’honoraires : des progrès à confirmer
Concernant la régulation des dépassements d’honoraires, une fois encore, la Cour des Comptes semble déplorer les trop grandes largesses de l’Assurance maladie vis-à-vis des médecins. Retraçant l’historique de plusieurs années d’atermoiements (notamment sur la mise en place du secteur optionnel), elle se montre très réservée sur le système actuel reposant sur la mise en place du contrat d’accès aux soins et une nouvelle procédure de sanctions des dépassements abusifs, notant qu’il s’agit « d’un début de réponse dont l’impact reste à confirmer », même après la baisse de 12 points du taux de dépassement des tarifs les plus élevés » en 2013.
La CSMF crie à la démolition du travail conventionnel
Bien sûr, ces analyses de la Cour des Comptes ont été très fortement dénoncées par les syndicats, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) en tête. Dans un communiqué publié hier, l’organisation rappelle tout d’abord que les relations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les médecins libéraux ont contribué à une maîtrise efficace des dépenses de santé. Elle s’insurge contre toutes les mises en cause de la rémunération à la performance, allant même jusqu’à affirmer : « La ROSP a permis de rémunérer les médecins pour des tâches qu’ils accomplissaient bénévolement. La Cour des Comptes veut-elle que les médecins travaillent bénévolement ? », oubliant cependant, que même s’ils le sont faiblement, les médecins restent rémunérés à l’acte. Outrée par l’ensemble des critiques des magistrats de la rue Cambon, la CSMF voit dans ces travaux un « rapport téléguidé par le gouvernement » témoignant une nouvelle fois de sa volonté de « démolition » du travail conventionnel !
Aurélie Haroche