
Paris, le samedi 9 août 2014 – Confortablement installés, nous nous reposons sur une longe énumération de mythes et autres légendes urbaines, auxquels nous nous raccrochons parfois un peu trop solidement. Parmi les nombreuses idées floues circulant ainsi à la manière de vérités révélées, il est par exemple fréquemment martelé que nous n’emploierions que 10 % de notre cerveau ! Cette idée, fruit de la déformation d’une sage parole du philosophe William James qui en 1908 constatait que « nous n’utilisons qu’une petite partie de nos potentielles ressources mentales et physiques », a depuis été battue en brèche par de nombreuses études scientifiques. Cela n’empêche pas aujourd’hui le film Lucy, après de nombreux autres avant lui, de reposer sur ce fantasme. Dans le dernier opus de Luc Besson, Scarlett Johansson qui incarne Lucy, jeune étudiante, voit soudainement les capacités de son cerveau décuplées après avoir par une série de hasards malencontreux absorbé une molécule, le CPH4, ayant pour effet d’accroître les potentialités cérébrales jusqu’à 100 % ! Le film vogue donc sur ce fantasme et si nous sommes bien dans le domaine de la science fiction, l’argumentaire publicitaire n’a pas hésité à présenter l’idée maitresse comme une vérité à méditer : « Que se passerait-il si nous utilisions 100 % de notre cerveau » ?
Emilie jolie moderne
La vie de Catalina, petite fille héroïne de « Cataline in fine » pièce de Fabrice Melquiot ne vit pas dans un rêve. Elle souffre en effet d’un handicap qui peu à peu l’a exclue de toute la société. S’ajoutant à sa difformité, son environnement est peuplé du sombre horizon des fumées d’usine. Ainsi présenté, le décor de ce spectacle donné à Bussang en Alsace cet été semble très (trop ?) lourdement ancré dans la réalité. Pourtant, il s’agit bien d’un conte fantaisiste, où les questions qui hantent la réalité sont confrontées à un monde fantasmagorique peuplé d’un « prince pas charmant » et d’une explosion de couleurs. « Il y a une vraie impertinence, une lecture à plusieurs degrés. Les enfants se retrouvent dans un univers très burtonien, très féerique, ils en ont plein les yeux et les oreilles et les parents aussi, car il y a beaucoup de mots d’auteur et de question finalement très graves : le handicap, le monde des usines, la mort des enfants… Tout cela abordé avec beaucoup d’humour. C’est quelque chose de très joli, très émouvant » remarque Vincent Goethals metteur en scène de la pièce, cité par le quotidien l’Alsace.
Dr House moderne
Si Catalina évoque un univers « burtonien », on retrouve également ombres, noirs et blancs et lumières glacées dans The Knick, la nouvelle série de Steven Soderbergh proposée par la chaîne du câble OCS à partir de ce dimanche 9 août. Cette série a pour décor l’hôpital Knickerbocker à New York au début du XXème siècle. Le nouveau chef du service de chirurgie John Thackery interprété par le britannique Clive Oven tente de mettre fin à la mortalité écrasante qui affecte son établissement. Petit à petit, à une époque où les interventions sont encore réalisées en public dans les amphithéâtres, il va moderniser les protocoles opératoires. Ainsi, la série promet-elle d’être une mine d’enseignements sur l’évolution de la chirurgie. Mais au-delà de cette « vérité », le fantasme de la fiction n’est pas loin, à travers notamment le personnage de John Thackery, accroc à la cocaïne et qui va bientôt devoir faire face à toutes sortes de trafics plus macabres les uns que les autres.
Un paradoxe moderne
Si osciller entre vérité et fantasme est souvent le propre de l’art, c’est un artifice particulièrement fréquent dans les comédies. Dans « J’arrête quand je veux » de Sydney Sibilia, des universitaires brillants, chimiste, neurobiologiste, et autre anthropologue, vont s’unir pour mettre au point une nouvelle drogue, une pilule révolutionnaire… dûment autorisée par les autorités de santé. Cette idée donne évidemment lieu à de nombreux gags, quiproquos et sketchs jubilatoires… fantaisies humoristiques qui ne font pas totalement oublier que cette farce a pour point de départ la grande précarité des jeunes italiens surdiplômés dont nombre aujourd’hui, malgré leur qualification, pointent au chômage. Retour à la dure réalité.
Films :
« Lucy », de Luc Besson, 6 août 2014, 1h29
« J’arrête quand je veux », de Sydney Sibilia, 6 août
2014, 1h40
Télévision : « The Knick », de Steven Soderbergh, saison 1, à partir du samedi 9 août sur OCS City
Théâtre : « Cataline in fine » de Fabrice Melquiot, du 30 juillet au 23 août, Théâtre du peuple, 40 rue du Théâtre - 88540 Bussang
Aurélie Haroche