Euthanasie ou suicide médicalement assisté ?

Parallèlement aux récents débats judiciaires en France sur l’euthanasie, ce sujet sensible est évoqué dans Jama Psychiatry par des praticiens exerçant à la Vrije Universiteit (Université libre néerlandophone) de Bruxelles (Belgique). Dans les pays où cette pratique controversée est légalisée, on parle généralement de « suicide médicalement assisté » (physician-assisted suicide), une appellation permettant aux adversaires de l’euthanasie de dénoncer les agissements fautifs de praticiens qui sortiraient ainsi de leur rôle traditionnel (préserver la vie en toute circonstance). Exerçant dans un pays où l’euthanasie « active » est dépénalisée (depuis 2002 et depuis février 2014 pour des mineurs[1]), les auteurs rappellent que la réponse à cette demande est « très complexe », vu le « conflit soulevé entre préoccupations éthiques et médicales. »

Lors d’un tel « suicide assisté », si le diagnostic d’une affection (somatique) incurable est relativement simple, l’un des problèmes majeurs est le risque de prêter à un patient déprimé une volonté de mourir, liée en fait à sa dépression (sévère, mais éventuellement curable), et non à une décision soigneusement réfléchie. Certains débats médiatisés (comme la « promotion » de l’euthanasie aux Pays-Bas) alimentent régulièrement la polémique, notamment pour s’assurer que les patients susceptibles d’être euthanasiés auront auparavant reçu tous les traitements adéquats (et cela va sans dire non létaux) contre leur maladie, y compris un grave état dépressif lors du vieillissement. Les auteurs soulignent que cette décision d’euthanasie ne doit se faire qu’en « équipe multidisciplinaire pesant tous les avantages et les inconvénients avec le patient » et prenant ses décisions « de façon transparente. » D’autre part, ils préconisent d’intégrer une formation sur les soins en fin de vie aux programmes des études médicales (et aussi, pourrait-on ajouter, paramédicales).

[1] « La Belgique est devenue le premier pays au monde à légaliser l’euthanasie des mineurs, en étendant la loi de 2002, mais sous des conditions plus strictes que pour les adultes. L’enfant ou l’adolescent doit être confronté à des souffrances physiques insupportables, les souffrances morales ayant été ici écartées. Il doit également se trouver dans une situation médicale sans issue entraînant le décès à brève échéance et être reconnu « en capacité d’en apprécier toutes les conséquences » par un psychiatre ou un psychologue indépendant, en plus de l’accord de l'équipe médicale et des parents. » (Wikipedia). Cet impératif de compréhension semble donc exclure les mineurs avec une déficience intellectuelle ou toute affection psychiatrique s’accompagnant d’un déclin cognitif.

Dr Alain Cohen

Référence
Deschepper R et coll.: Requests for Euthanasia/Physician-Assisted Suicide on the basis of mental suffering. Vulnerable patients or vulnerable physicians? JAMA Psychiatry 2014 ; 71 : 617–618.

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Vos réactions (1)

  • La bonne question, enfin !

    Le 19 août 2014

    Le suicide consiste à écourter la vie.
    L'euthanasie consiste à écourter la mort.
    Il n'y a rien de commun entre les deux situations : un suicidant n'est pas mourant et souhaiterait l'être, tandis que celui qui est mourant ne l'a généralement pas souhaité.
    La première question (de nature professionnelle) est alors : dans quelles conditions le médecin peut-il abréger l'agonie d'un mourant ?
    La seconde question (de nature juridique) est tout autre : dans quelle conditions le médecin peut-il aider un suicidant à mettre fin à ses jours ?
    Ce n'est pas une loi, mais deux distinctes dont on a besoin. Elles doivent reposer sur deux définitions juridiques très précises : 1) ce qu'est une agonie 2) quel est le statut légal du suicide (et donc que sont les droits du suicidant.
    Pierre Rimbaud

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