Prendre son destin en main

Paris, le samedi 6 septembre 2014 – Les amputés de la main, qui sont près de 300 chaque année en France, choisissent pour la moitié d’entre eux de se faire appareiller. Si beaucoup optent pour une prothèse uniquement esthétique, d’autres choisissent des dispositifs myo-électriques, remboursés par la sécurité sociale et qui offrent aux patients une aide quotidienne significative. Cependant, les prothèses ne cessent de se perfectionner et permettent des mouvements beaucoup plus nombreux et précis en reproduisant la souplesse des doigts. Ces dispositifs poly-digitaux restent cependant inaccessibles à beaucoup en raison de leurs prix : entre 30 000 et 70 000 euros sans aucune prise en charge possible.

Une prothèse à portée de mains

Nicolas Huchet, victime en 2002 d’un accident de travail qui l’a privé de sa main droite, a refusé de renoncer à cette technologie. En octobre 2012, il rencontre les membres du « Fablab » de Rennes (un laboratoire de fabrication ouvert au grand public, auquel toutes les bonnes volontés peuvent prendre part, entité inspirée d’initiatives nées aux Etats-Unis). Il leur dévoile le dispositif de Gaël Langevin, un « model maker » qui sur le web connaît un franc succès avec la présentation d’une main articulée créée grâce à une imprimante 3D et est le résultat d’un bidouillage génial fait maison. Nicolas Huchet lance comme un défi aux membres du Fablab de sa ville : mettre au point à partir de ce premier jet  une prothèse poly-digitale à portée de tous les budgets et pouvant être fabriquée par tout un chacun.

Fait de ses propres mains

Le projet Bionicohand est lancé en février 2013 et le défi est relevé, presque haut la main. Les prototypes se suivent et la plus récente version a été présentée à Moscou au Geek picnic festival au mois d’août. « La main a été entièrement imprimée en 3D. Deux fils de pêche passés dans chaque doigt, et reliés à des servomoteurs, ferment et ouvrent la main. Les rotations des moteurs sont commandées par des capteurs placés sur la peau qui vont convertir l’impulsion musculaire en signal électrique. Une carte électronique arduino assure l’interface entre tous ces éléments. L’alimentation électrique est assurée par des piles LR6. Ce prototype a été réalisé en 35 h pour l’impression de la main, 15 h pour la fabrication (châssis), 10 h pour le câblage et la partie électronique, 6h pour le code arduino, 3h pour les tests ainsi que 15h de réflexions et bidouilles. Le coût s’élève à : 8 € pour les pièces en 3D, 20 € pour la carte Arduino, 50 € pour les capteurs, 10 € pour les piles, 35 € pour les moteurs, 5 € pour le châssis, 30 € de visserie, fils électriques et composants électroniques, l’emboiture a été offerte » peut-on lire sur le site Bionicohand. Cet assemblage hétéroclite permet de fermer quatre doigts, lever un index et de tenir des petits objets. Il reste bien évidemment perfectible, les membres du Fablab se concentrent notamment actuellement sur sa robustesse et la miniaturisation des éléments.

Tendre la main aux autres

Outre la prouesse technologique, ce projet s’inscrit dans une démarche sociale particulière. La méthode pour réaliser soi-même cette prothèse est ainsi gratuitement partagée sur le net. Cet aspect, cet « engagement », est parfaitement assumé par les promoteurs. « Le projet comporte trois motivations : la passion envers la technologie, le partage des savoirs ; la volonté et le désir d’aider les autres ; un mécontentement du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui » peut-on ainsi lire sur le blog du projet Bionicohand. Les concepteurs de cette prothèse remarquent encore qu’un tel système pourrait représenter un premier espoir pour les amputés vivant dans les pays pauvres. Ils concèdent cependant que leur dispositif ne peut être considéré comme une « solution durable pour une personne amputée actuellement ». Les Rennais ne sont pas les seuls dans le monde à vouloir toucher du doigt une « prothèse » de main moins chère et accessible à tous. Des projets du même type existent en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, où d’autres amputés ont dévoilé sur internet comme ils avaient conçu eux-mêmes des dispositifs plus performants que ceux proposés sur le marché à des prix abordables.

Aurélie Haroche

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