
Paris, le jeudi 11 septembre 2014 – L’épidémie actuelle de fièvre Ebola en Afrique de l’Ouest connaît de nombreuses spécificités. Beaucoup ont été énumérées à plusieurs reprises ces derniers mois : localisation de l’épidémie, nouveauté de la souche, ampleur de la zone concernée caractérisée qui plus est par son urbanisation et surtout impossibilité manifeste de contenir la propagation de la maladie. Un autre phénomène s’est par ailleurs imposé depuis quelques semaines : le pessimisme des experts. Si aux premières heures, les discours divergeaient, si aujourd’hui la tonalité peut parfois encore connaître quelques différences, peu à peu le discours des spécialistes a laissé une place de plus en plus ténue à l’espoir. Ceux qui se sont exprimés hier n’ont pas fait exception. A Oxford, des chercheurs ont présenté une projection accablante affirmant que jusqu’à une vingtaine de pays d’Afrique pourraient être touchés par l’épidémie. Plusieurs facteurs ont été pris en compte et analysés pour aboutir à une telle prévision incluant les conditions climatiques, la densité de population mais aussi la présence d’animaux vecteurs du virus. Ainsi, aux pays ayant déjà été touchés auparavant par des épidémies de fièvre Ebola pourraient s’ajouter quinze autres états. « Nous avons montré que la population vivant dans les zones à risque est plus large, plus mobile et mieux connectée internationalement que lorsque le virus a été observé pour la première fois » a expliqué Nick Golding. Tandis qu’étaient formulées ces sombres prévisions, à l’Institut Pasteur à Paris, une conférence de presse débutait gravement. « La situation est extrêmement difficile. Il faut que des mesures immédiates soient prises par les organisations internationales et les pays pour renforcer les moyens sur place » martelait le président de l’institution, Christian Bréchot.
Revenir des enfers
Cependant, alors qu’il est actuellement très difficile de constituer et d’envoyer sur place des équipes de professionnels pouvant prendre en charge les malades et les sujets à risque, les experts de l’Institut Pasteur invitent à s’intéresser au rôle pouvant être joué par les survivants. D’une part, ces derniers peuvent être des acteurs majeurs pour convaincre les populations de la nécessité d’une prise en charge précoce. « Les patients peuvent avoir une peur dans un premier temps par rapport aux centres de traitement. D’où le travail de communication fait avec les survivants qui sont utilisés pour aller convaincre les autres patients de venir » a ainsi expliqué Amadou Sall de l’Institut Pasteur de Dakar.
Revenir parmi les vivants
Par ailleurs, dans le cadre de l’intense activité de recherche menée actuellement dans tous les grands laboratoires du monde spécialisés dans les maladies infectieuses (une « task force » a été mise en place par l’Institut Pasteur), les survivants pourraient également apporter une contribution importante. Le prélèvement de leurs anticorps, afin de mettre au point un sérum à injecter aux patients est en effet une piste très prometteuse. « Ca peut marcher (….). Par ailleurs, le fait d’offrir ce traitement là, même si ça ne marche pas d’un point de vue thérapeutique, ça marchera d’un point de vue social, car cela resocialisera les survivants » a ainsi affirmé de façon surprenante le directeur du Centre national de référence des fièvres hémorragiques virales, Sylvain Baize.
Revenir sur certaines mesures ?
Au-delà de cette importante participation des survivants, l’Institut Pasteur a à son tour insisté pour un engagement plus important de la communauté internationale. A cet égard, il observe que certaines mesures de coercition prises pourraient être plus contre productives qu’efficaces. « La fermeture des frontières aériennes complique en fait les choses, car cela rend plus difficile l’acheminement des traitements » a par exemple remarqué le docteur Arnaud Fontanet.
Quelles solutions mettre en œuvre ? Comment élargir l’intervention de la communauté internationale ? Pouvons-nous éviter un scénario aussi catastrophique que celui dessiné par les chercheurs d’Oxford ? L’ensemble de ces questions sera abordé lors d’un nouveau sommet européen extraordinaire réuni lundi prochain à l’initiative de la France, comme l’a annoncé hier le ministre de la Santé, Marisol Touraine.
Aurélie Haroche