
Madrid, le lundis 29 septembre 2014 - L'enquête qui vient d'être présentée à l'European Society for Medical Oncology à Madrid met sérieusement en garde : sur près de 600 oncologues âgés de moins de 40 ans pratiquant en Europe, 71% sont en burn-out. Par rapport à leurs confrères plus âgés, ils déclarent souffrir plus des tâches administratives, des problèmes médico-légaux, de la gestion quotidienne des effets secondaires des thérapies et du continuel face à face avec des patients qui souffrent et meurent.
Le burn-out des médecins n'est pas une vue de l'esprit. Une récente enquête effectuée chez les généralistes montrait déjà que 62% d'entre eux souffrent de ce syndrome à la triade caractéristique: la dépression d'épuisement professionnel, l'état de stress répété conduisant à une situation traumatique et l'anxiété généralisée à l'origine d'une profonde fatigue physique et mentale. Parmi les causes invoquées, reviennent régulièrement la difficulté à répondre aux exigences croissantes des patients, anxieux, hypocondriaques, insatisfaits, la lourdeur des tâches administratives, le manque de reconnaissance et même les rivalités entre praticiens… Parmi les spécialistes, ce sont les anesthésistes qui sont en première ligne avec 40% qui se déclarent en burn-out et 65% qui ne trouvent pas les ressources pour aider un collègue en difficulté. Tous évoquent aussi le besoin de retrouver le plaisir d'exercer …
Les oncologues aussi
C'est à ce jour la plus large enquête1 publiée sur le sujet en Europe. Deux centres belges y ont participé, l'Institut Bordet et l'AZ Klina de Brasschaat. Elle inclut 595 oncologues de moins de 40 ans travaillant dans 41 pays d'Europe, dont 71% rapportent un syndrome de burn-out (dépersonnalisation: 50%). Le pourcentage d'oncologues affectés varie selon les régions d'Europe, élevé en Europe centrale (82%) et du Sud-Est (83%), faible en Europe du Nord (52%) incluant le Royaume-Uni. Dans sa présentation, le Dr Susanna Banerjee (Londres, RU) a souligné que ce burn-out était aujourd'hui monnaie courante chez les oncologues du monde entier. Les raisons invoquées sont liées à la spécialité: l'utilisation de thérapies potentiellement toxiques pour le malade, l'accroissement des heures de travail, les contraintes administratives mais aussi et surtout le continuel face à face avec des patients qui souffrent et qui meurent. Sont aussi considérés comme des facteurs facilitants à titre personnel, le fait de vivre seul, de ne pas avoir d'enfant, et à titre professionnel, un surcroît de patients, des horaires lourds et des temps de repos insuffisants.
Ce n'est pas une faiblesse individuelle
Dans sa conclusion, le Dr Banerjee en appelle à plus de reconnaissance de cette pathologie et de ses implications de manière à préserver les futures générations d'oncologues. Elle demande aussi à tous les intervenants, universitaires, gestionnaires d'hôpitaux, sociétés savantes de prendre en compte ce syndrome, ne pas le stigmatiser comme une faiblesse individuelle et d'apporter à celui qui en souffre tout le soutien nécessaire. Elle propose également des solutions pour améliorer la balance travail/qualité de vie en intégrant plus le jeune clinicien dans la recherche et l'enseignement pour lui procurer d'autres sources d'intérêt. Elle termine sur une note positive en soulignant que ces données ne doivent pas décourager les vocations pour une spécialité qui demeure une des plus fascinantes par sa dualité permanente entre le pronostic du patient et sa qualité de vie.
Dr Claude Biéva