Bons résultats de l’association sofosbuvir et ribavirine en cas de co-infection VIH-HCV

On estime que plus de 7 millions de personnes ont, à travers le monde, une double infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et par celui de l’hépatite C (HCV). Cette association pathologique majore le risque de fibrose hépatique, de cirrhose et de carcinome hépato-cellulaire ; elle rend compte d’une augmentation de la mortalité globale.

Chez les patients naïfs, avec co-infection VIH-HCV de génotype 1, 2 ou 3, un protocole thérapeutique de 24 à 48 semaines par interféron pégylé et ribavirine associés ou non à un inhibiteur de protéase sérine HCV NS3/4A peut conduire, dans environ 62 à 74 % des cas, à une réponse virologique durable,  dont témoigne un taux d’HCV sérique inférieur à 25 copies/mL, 12 semaines après l’arrêt du traitement (SVR12). Mais le recours à de tels protocoles reste limité par les interactions médicamenteuses possibles avec le traitement anti-rétroviral (ART) et la contre-indiction fréquente de l’interféron chez ce type de patients.

Le sofosbuvir est un nucléotide inhibiteur, per os, de la polymérase de l’HCV NS5B qui a été récemment autorisé dans le traitement de l’hépatite C. Il a pour avantage de n’avoir pas ou peu d’interaction avec les ART et a donné, en association, déjà de bons résultats. Un travail, publié dans le JAMA en Juillet 2014, rapporte le taux de SVR et d’événements secondaires dans une série de patients avec double infection VIH-HCV de génotype 1, 2 ou 3 traités pendant 12 ou 24 semaines par association sofosbuvir-ribavarine. Les participants, originaires des USA et de Porto-Rico, ont été enrôlés entre Aout 2012 et Mars 2013. Ils devaient avoir donné leur consentement par écrit, être âgés de 18 ans au moins, avoir une co-infection VIH-HCV et un indice de masse corporelle supérieur à 18 kg/m2. Ils étaient, soit naïfs de tout traitement anti-hépatite, soit, pour les génotypes 2 ou 3, pouvaient avoir reçu un traitement préalable. Les sujets avec toxicomanie active (test urinaire positif) étaient exclus de l’étude. Les patients devaient recevoir depuis au moins 8 semaines un ART, avoir un VIH-ARN à moins de 50 copies/mL et un taux de lymphocytes CD4 supérieur à 200/µL. Les rares patients qui ne recevaient pas encore d’ART avaient des CD4 supérieurs à 500/µL. Moins de 20 % des participants étaient cirrhotiques.

Un essai de phase 3 en ouvert sur 223 patients

L’étude a consisté en un essai de phase 3, multicentrique, ouvert, non randomisé et non contrôlé. Les sujets recevaient 400 mg de sofosbuvir en une seule prise journalière orale associé à de la ribavirine sur la base, ajustée en fonction du poids, de 1 000 ou 1 200 mg/j. Durant le suivi, une adaptation posologique de cette dernière molécule était possible en fonction du taux d’hémoglobine. La durée du traitement a été de 12 semaines chez les patients naïfs de génotype 2 ou 3 et de 24 semaines chez les patients naïfs de génotype 1 ou ayant déjà reçu un traitement. Lors de chaque visite de contrôle a été effectué un dosage de l’HCV-ARN, le seuil de détection (LLOQ) se situant à 25 UI/mL. L’évolution du gène HCV NS 5B, facteur potentiel de résistance, a été surveillée. Le critère principal d’efficacité retenu a été la SVR12, c'est à dire une réponse virologique maintenue plus de 12 semaines après l’arrêt de tout traitement contre l'HCV, avec un HCV-ARN inférieur au LLOQ.

Globalement, sur 330 patients pré sélectionnés, 224 ont été enrôlés, dont 223 qui ont débuté effectivement le protocole de soins. Leur nombre médian de CD4 oscillait entre 562 et 581 cellules/µL. Parmi les patients naïfs, 114 étaient de génotype 1, avec une majorité de 1a ; 68 de génotype 2 ou 3 ; 41 autres avaient déjà été traités ; 90 à 98 % de l’ensemble des participants étaient sous ART.

On a observé sous association sofosbuvir-ribavirine une décroissance rapide de l’HCV sérique. Dès la 2e semaine de traitement, 75 % des malades avec un phénotype 1, 91 % de ceux avec phénotype 2 ou 3 et 98 % de ceux de phénotype 2 ou 3 préalablement traités avaient un taux de HCV-ARN inférieur au LLOQ. A la 4e semaine, les pourcentages atteignaient respectivement 96, 99 et 100 %. Sur l’ensemble des 114 patients naïfs de génotype 1, 87, soit 76 % (intervalle de confiance à 95 %, IC : 67- 84 %) ont eu une réponse complète (SVR12). Parmi les 27 autres malades, 25 étaient en rechute virologique et 2 en échec du fait d’une non adhérence au protocole dont témoignaient des taux sériques de sofosbuvir indétectables. Le taux de SVR12 s’est situé à 82 % (IC : 73- 99 %) chez les 103 patients de génotype 1 qui ont suivi le protocole dans son intégralité mais a chuté à 27 % (IC : 6- 61 %) chez 11 autres qui ont arrêté précocement leur traitement. En analyse multi variée, les facteurs prédictifs de SVR 12 étaient respectivement une ethnie autre que noire (Odds ratio OR : 2,87; p = 0,49), un génotype HCV-1a (OR : 2,87 ; p = 0,03) et la possibilité d’un traitement complet de 24 semaines au total (OR : 17,57 ; p < 0, 001).

Parmi les 26 patients naïfs, de génotype 2, la SVR 12 a été atteinte chez 23, soit 88 % (IC : 70- 91 %). Chez les 42 patients non traités préalablement de génotype 3, il y a eu 67 % (CI: 51- 80 %) de réponse virologique complète. Quant aux 24 malades, de génotype 2, qui avaient déjà été traités, 22 ont eu une SVR12, soit 95 % (IC : 73- 99 %). Enfin, 16 des 17 de génotype 3 déjà traités ont eu une SVR12, soit 94 % (IC : 71-100 %).

Au départ, aucune mutation S 282T n’était présente et 2 mutations L159F ont été détectées. En cours d’étude, cette dernière mutation est apparue chez 4 autres patients, sans conférer de résistance au sofosbuvir. Il n’a été retrouvé lors du suivi aucune mutation S 282T ou NS5B. Sept (3 %) des participants ont dû arrêter leur traitement du fait de la survenue d’effets secondaires. Les plus fréquemment notés ont été de la fatigue, des nausées, des céphalées, de l'insomnie, généralement de grade 1-2. Trent-quatre (15 %) ont eu une chute à moins de 10 g/L de leur taux d’hémoglobine et 32 (41 %) une hyper bilirubinémie dans les 2 premières semaines du traitement, induite par une hémolyse sous ribavirine. Cinquante-trois (19 %) ont eu, de fait, une réduction posologique pour cette molécule. Quatre des 30 patients dont l'ART comportait l’association ritonavir-atazonavir ont dû avoir une modification de ce traitement. Il n’a été observé aucune variation per protocole du taux de VIH-ARN chez les patients sous ART. Enfin, lié à l’effet lymphopéniant de la ribavirine a été notée une baisse des lymphocytes totaux et des CD4 en cours de protocole avec retour ultérieur aux valeurs de base.

Réponse virologique complète à 6 mois dans les trois quarts des cas

Il ressort donc de cette étude ouverte, non contrôlée et non randomisée qu’une réponse virologique complète est observée dans 76 % des cas après 24 semaines de traitement par association orale de sofosbuvir et de ribavirine chez des patients co-infectés VIH-HCV1. Le taux de succès est également très important en cas de génotype 2 et 3. Pour le type 2, le taux de SVR est identique après 12 ou 24 semaines de traitement. Pour le type 3, la SVR atteint 94 % après 24 semaines de traitement mais seulement 67 % après 12 semaines. Outre son efficacité ainsi démontrée, le sofosbuvir, ainsi que ses métabolites, ont pour avantage de n’avoir aucune interaction significative avec le système du cytochrome P 540 et donc d’être utilisable conjointement avec nombre de molécules anti-VIH. Il possède aussi un haut niveau de résistance et entraine peu d’effets secondaires, en règle, de classe 1-2. Ce travail suscite toutefois de nombreuses réserves. Le nombre de participants cirrhotiques et de femmes a été faible, respectivement 10 et 17 %. Peu étaient en état de SIDA évolué. Aucun essai n’a comporté de groupe contrôle et le sofosbuvir n’a pas été testé en association avec d’autres drogues anti-HCV que la ribavirine. Toutefois, au terme de cette étude, il est possible de penser que, chez des patients VIH+ co-infectés par l’HCV, génotype 1, 2 ou 3, l’association, sans interféron, de sofosbuvir et de ribavarine pendant 12 ou 24 semaines conduit à un taux élevé de réponses virologiques complètes. Des travaux complémentaires restent nécessaires, notamment dans d’autres types de population.

Dr Pierre Margent

Référence
Sulkowski MS et coll. Sofosbuvir and Ribavirin for Hepatitis C in patients with HIV co-infection. JAMA. 2014; 312: 353- 361.

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