
Paradis
Pour les soldats que la guerre avait amputés, martyrisés dans leur chair, l’arrivée dans un établissement hospitalier s’apparentait parfois à un véritable « paradis ». C’est ainsi en tout cas que les poilus accueillis par Madeleine Smith Champion et sa sœur Jeanne à l’hôpital auxiliaire n°73 à Nogent-sur-Marne avaient baptisé leur retraite, « Le paradis des blessés ». Un aperçu de la vie dans cet établissement qui comptait jusqu’à 65 lits et qui fut administré par les deux sœurs jusqu’en avril 1919 est visible à travers l’exposition proposée jusqu’au 16 novembre à la Maison nationale des artistes à Nogent sur Marne à l’emplacement même où avait été établi l’hôpital militaire. Parallèlement à cette exposition une lecture des extraits de la pièce « Hôpital Auxiliaire n°73 », œuvre écrite à partir des lettres des poilus et des sœurs Smith, de témoignages et de divers articles, sera proposée le samedi 8 novembre, tandis qu’une représentation de la pièce sera donnée le 13 décembre à l’Auditorium de la Médiathèque du Perreux-sur-Marne.Enfer
Tous les soldats blessés ne ressentirent cependant pas la même félicité durant les longues semaines passées dans les hôpitaux militaires. Une réalité très différente avait été donnée par le caricaturiste de talent Guy Bofa dans les colonnes du journal la Baïonnette. Sa série de dessins intitulée « Chez les Toubibs » qui ne se montrait guère tendre pour les praticiens, leurs expérimentations et leurs traitements, tout en leur rendant un hommage discret n’échappa pas à la censure. Cent ans plus tard, l’œuvre de Guy Bofa, médaillé militaire, croix de guerre, invalide de guerre dont les dessins étaient les fruits de sa propre expérience est rééditée par les éditions Cornelius, comme le signale le très complet blog : « hopitauxmilitairesguerre1418.overblog.com ».Purgatoire
Que devinrent après leur longue hospitalisation, après la guerre, ceux qui demeurèrent à jamais défigurés ? Le sort des gueules cassées a inspiré de nombreux ouvrages et films évoquant d’une part les tentatives de la chirurgie pour parvenir à leur offrir un nouveau visage et d’autre part le rejet coupable de la société, qui se refusait à accueillir en son sein ce souvenir constant des désastres d’hier. L’exposition présentée à Puteaux jusqu’au 13 novembre propose de jeter un autre regard sur la vie de ses « gueules cassées ». En 1915, Gaston Le Bourgeois eut en effet l’idée de créer une usine de jouets, dont la très grande majorité des ouvriers n’étaient que des mutilés de guerre, auxquels il espérait rendre ainsi une dignité et une utilité sociale. Pari gagné : « Le jouet de France » demeura pendant très longtemps un fleuron de l’industrie. Bien plus drôle que la guerre.Expositions :
« Une armée qui soigne. Le service de santé des armées durant la Grande guerre », 1er octobre 2014 au 4 octobre 2015, Musée du service de santé des armées, 1 place Alphonse Laveran, 75005 Paris
« Le paradis des blessés », exposition du 12 septembre au 16 novembre 2014, Maison nationale des artistes, 16, rue Charles VII, Nogent sur Marne.
« Du front au monde des jouets », exposition du 15 octobre au 13 novembre 2014, Hôtel de Ville de Puteaux, 131 Rue de la République, 92800 Puteaux
Théâtre :
Lecture des extraits de la pièce « Hôpital Auxiliaire n°73 », le samedi 8 novembre à 16h, Médiathèque municipale, 70, bis rue Alexandre Ledru-Rollin, Perreux sur Marne
Représentation de la pièce, le samedi 13 décembre à 20h30
Bande dessinée :
« Chez les toubibs », de Gus Bofa, Cornélius Editions, 128 pages, 29,50 euros
Aurélie Haroche