Allergie médicamenteuse ou exanthème d’une autre origine ?

Environ 5 à 9 % des coûts des prises en charge hospitalière sont liés à des effets secondaires des médicaments dont 20 à 30 % sont des réactions cutanées. Cependant, de nombreux patients signalant avoir « réagi » à un médicament sont « catalogués » comme allergiques sans que le diagnostic soit confirmé.  Or, alors que la prévalence de l’allergie médicamenteuse rapportée par les patients est élevée (7 %), une hypersensibilité n’est établie que dans une minorité de cas (2 à 15 %). Malheureusement la suspicion d’une allergie peut conduire à rejeter un traitement de première ligne et à s’exposer à une moindre efficacité de la prise en charge thérapeutique.

Bien qu’il ait été montré que la démarche pour affirmer le diagnostic d’une allergie médicamenteuse est coût efficace, elle n’en reste pas moins onéreuse. Mieux cibler les patients pour lesquels les tests diagnostics sont opportuns pourrait améliorer ce rapport coût/ efficacité.

Une équipe s’est penchée sur la possibilité de distinguer cliniquement les réactions allergiques d’exanthèmes d’une autre origine.

Leur étude a porté sur 574 patients hospitalisés ou non (51 % de femmes, présentant une éruption cutanée et pour lesquels les traitements étaient bien documentés. L’histoire médicale (en particulier la chronologie entre la prise médicamenteuse et l’apparition des signes cutanés) les tests allergologiques (tests cutanés, LTT [lymphocyte transformation test], tests de provocation orale avec la molécule présumée coupable) et résultats anatomopathologiques ont permis de diagnostiquer une réaction allergique dans 47,2 % des cas et un exanthème d’une autre origine dans 49,2 %, la distinction n’étant pas possible pour les 3,6 % de cas restants.

En ce qui concerne les toxidermies médicamenteuses, elles étaient le plus souvent à type de rash maculopapuleux, (62 %) mais il y avait aussi 7,5 % de SDRIFE (Symmetrical Drug-Related Intertriginous and Flexural Erythema), 6,6 % de vascularites, 6,6 % d’eczémas, 5,8 % d’AGEP (Acute Generalized Exanthematous Pustulosis) et 2,5 % de SJS/DRESS (Stevens-Johnson Syndrome/Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms). Les médicaments incriminés étaient essentiellement des antibiotiques (43,3 %), des AINS (16,6 %), des produits de contraste (13,3 %), d’autres médicaments (20 %), et n’étaient pas spécifiés dans 6,6 % des cas.

Pour les autres exanthèmes, l’aspect était celui d’une éruption maculopapuleuse pour 48,6 % des patients, papulovésiculaire pour 29,1 %, papulonodulaire pour 8,6 %, à type de vascularite pour 7,8 %. Les étiologies étaient majoritairement infectieuses (bactériennes 44,8 % ; virales 9,4 %, fongiques 3,7 %). Il s’agissait de réactions toxiques non médicamenteuses dans 6,3 % des cas et d’autres causes pour plus d’un tiers des observations.

La distribution des lésions différait entre les deux groupes, les allergies médicamenteuses se manifestant préférentiellement au niveau des plis, de la face interne des extrémités, des zones axillaires et inguinales tandis que les autres exanthèmes atteignaient préférentiellement les surfaces externes, les flancs, les pieds, les mains.

Cette étude montre qu’à partir des données anamnéstiques et cliniques, il est possible de faire la distinction entre exanthème allergique et réactif, ce qui est important pour orienter la prise en charge initiale. Seuls cependant, les tests allergologiques sont capables de confirmer le diagnostic. En rappelant qu’ils ne sont pas recommandés (à l’exception peut-être des patch tests) en cas de réactions médicamenteuses sévères telles que AGEP, et SJS/DRESS…

Dr Marie-Line Barbet

Références
Rockman H : Diagnostics in drug allergy: What is the impact?
Aniker M : Drug-induced or reactive exanthema: How to differentiate?
Kardaun S ; Patch testing in SCAR (SJS/TEN - DRESS - AGEP): Should it be done?
23e congrès de l’EADV. Amsterdam. 8-12 octobre 2014.

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