Le virage numérique des hôpitaux américains a-t-il du plomb dans l'aile ?

Washington, le mercredi 12 novembre 2014 – Parmi les raisons qui ont favorisé la défaite des démocrates la semaine dernière lors des élections de mi-mandat, la réforme du système de santé voulue par Barack Obama tient sans doute une large place. Depuis sa mise en œuvre, les critiques ont en effet été nombreuses contre un système qui bouscule nombre de principes auxquels sont attachés une grande partie des Américains. Cependant, pour contrebalancer les controverses autour du lancement de ce nouveau dispositif (lancement marqué qui plus est par une série de couacs informatiques), l’administration Obama pouvait mettre en avant les bons résultats de sa politique numérique dans les établissements hospitaliers.

Dans un pays très longtemps frileux dans ce domaine, échaudé notamment par plusieurs scandales confirmant de grandes failles dans les systèmes de sécurité, le Health  Information Technology for Economic and Clinical Health (HITECH) a permis d’engager un profond changement dans les établissements de santé du pays. Il faut dire que tous les arguments ont été avancés pour convaincre les hôpitaux de la nécessité de s’informatiser. Les sociétés savantes ont uni leurs voix pour réaffirmer le caractère essentiel de cette évolution, le think tank Rand Corporation s’est fendu d’une enquête concluant que l’informatisation des dossiers médicaux permettrait de réaliser 81 milliards de dollars d’économie chaque année et surtout des primes très alléchantes ont été mises en place pour inciter les hôpitaux. Ainsi, entre 2008 et 2013, le nombre de médecins utilisant l’informatique pour renseigner les dossiers de leurs patients est passé de 17 % à 50 %, tandis que le numérique qui n’était utilisé que dans 9 % des établissements de santé est désormais présent dans 80 % d’entre eux.

Désenchantement unanime

Ces chiffres ne constitueraient cependant qu’un trompe l’œil. De programme incitatif, HITECH va en effet se muer l’année prochaine en dispositif contraignant. Professionnels de santé et hôpitaux qui continueront à bouder les nouvelles technologies seront en effet assujettis à une taxe. Or cette dernière risque de s’imposer très largement. En effet, si le virage numérique est bien amorcé, rares sont les établissements de santé à satisfaire parfaitement les critères très stricts du programme HITECH. Ainsi, au mois de septembre, on ne comptait que 17 % des hôpitaux remplissant parfaitement tous les objectifs du niveau deux de ce plan de développement.

Le désenchantement est très marqué et touche tous les acteurs. Du côté des éditeurs de logiciels, beaucoup ont renoncé au secteur de la santé, éprouvés par le caractère drastique de normes réglementaires toujours plus nombreuses. Chez les professionnels de santé, on s’irrite de la perte de temps que représente l’utilisation des dossiers médicaux. Les hôpitaux pour leur part regrettent l’absence d’interopérabilité. Enfin, du côté des économistes de la santé on se montre désormais beaucoup moins enthousiastes et persuadés que le système permettra de réaliser des économies. Aussi, des voix s’élèvent aujourd’hui pour recommander un assouplissement du programme, afin que les taxes ne pleuvent pas sur les professionnels et les hôpitaux. C’est notamment la principale préconisation de l’American Medical Association dans un récent rapport. Afin que sur ce terrain là au moins, la fin du second mandat de Barack Obama ne soit pas marquée par une terne désillusion.

Léa Crébat

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