Prix à la baisse du Sovaldi : un gouvernement satisfait, des associations déçues

Paris, le vendredi 21 novembre 2014 – Le prix des antiviraux à action directe (AAD), traitements révolutionnaires de l’hépatite C, fait débat depuis plusieurs mois. Très coûteuse, cette innovation pourrait en effet ne pas bénéficier à un tous les patients, tandis que les finances très éprouvées de notre assurance maladie pourraient connaître des difficultés à assumer ce poids supplémentaire.

C’est notamment le cas du sofosbuvir (Sovaldi) commercialisé par les laboratoires Gilead qui fait débat. Alors que dans le cadre de l’Autorisation temporaire d’utilisation (ATU) dont il fait l’objet, son prix a été fixé à 54 600 euros la cure de trois mois, la facture s’élève déjà à 440 millions d’euros et pourrait frôler le milliard pour l’année 2014 ! Des montants faramineux alors que des économies féroces sont exigées de la Sécurité sociale et qui pourraient faire le lit de recommandations d’utilisation laissant de côté les patients les moins insérés socialement ou à un stade précoce de la maladie, comme le redoutent les associations.

Mécanisme de régulation spécifique pour le traitement de l’hépatite C

Face à ces craintes et tout en martelant que cette innovation thérapeutique doit pouvoir bénéficier à tous (bien que la Haute autorité de santé ait préféré des recommandations très prudentes sur le sujet), le gouvernement a d’abord présenté au début de l’automne un mécanisme de régulation. Il s’agit de soumettre les laboratoires commercialisant les nouveaux AAD à une contribution particulière en cas de dépassement d’un chiffre d’affaires total dévolu au traitement de l’hépatite C. Cette contribution sera progressive et sera « à la charge des entreprises exploitant les médicaments les plus contributeurs à la dépense ».
30 % de baisse et Gilead remboursera la différence !

Parallèlement à l'élaboration de ce système, les négociations entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et le laboratoire se poursuivaient. Elles viennent enfin d’aboutir et ont permis d’obtenir de la part de Gilead une diminution très significative de son prix, atteignant 30 %. Le coût du médicament pour une cure de trois mois ne dépassera pas en effet 41 000 euros. Par ailleurs, le ministère de la Santé précise dans un communiqué diffusé hier que les laboratoires se sont engagés à rembourser la différence entre le prix pratiqué depuis plusieurs mois dans le cadre de l’ATU et celui finalement fixé. Enfin, le mécanisme de régulation est bien maintenu.

Le gouvernement accusé de ne pas être allé assez loin

Ces différents points ne peuvent être que présentés comme une victoire par le gouvernement, qui précise par ailleurs qu’il s’agit du prix le plus faible d’Europe. Il semble en effet que les pouvoirs publics soient parvenus à trouver un équilibre entre des impératifs apparemment contradictoires : la reconnaissance de l’innovation, la réponse aux attentes de Gilead mais aussi la nécessité de ne pas grever davantage les comptes de la Sécurité sociale et surtout d’assurer l’accès des patients à ces traitements. Sur ce dernier point, l’annonce d’une prise en charge à 100 % des AAD devrait encore faciliter cet aspect.

Pour autant, du côté des associations, on est loin de se satisfaire de cet accord. « Je suis très déçu du prix négocié par le gouvernement. Il reste beaucoup trop élevé pour notre système de santé, car le traitement par le Sovaldi dure au mieux trois mois, mais bien souvent il atteint six mois, ce qui double son prix » a ainsi commenté Jean-François Corty, directeur Mission France de Médecins du monde dans les colonnes de Sciences et Avenir. Pour le praticien, le gouvernement a « raté une occasion de pouvoir ouvrir le débat avec les laboratoires et le grand public sur la valeur d'un traitement innovant et l'impact de ce coût sur la solidarité nationale. Le gouvernement n'en a pas profité non plus pour revoir le système d'attribution du prix du médicament, qui reste assez opaque en France, et auquel les associations ne participent pas ». Enfin le spécialiste estime que d’autres arguments auraient pu être avancés auprès du laboratoire pour le pousser à une réduction plus forte, telle notamment la menace de « licences obligatoires » afin que des génériques puissent immédiatement être proposés. L’association redoute donc encore qu’avec un tel tarif, on ne puisse obtenir un traitement universel de tous les patients ce qui doit pourtant être l’objectif à suivre.

On le voit, la polémique ne semble pas être en passe de s’éteindre.

Aurélie Haroche

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