
Paris, le samedi 20 décembre 2014 – Les vacances de Noël qui
débutent aujourd’hui sont souvent l’occasion pour les chaînes de
télévision de diffuser ou rediffuser les films d’animation ayant
rencontré un large succès au cinéma. Face à cette programmation,
les parents n’ont souvent aucun scrupule à laisser leurs bambins
devant le petit écran. Pourtant, derrière les couleurs chatoyantes
et les chansons sucrées, des images terrifiantes se cachent.
Ian Colman, professeur d’épidémiologie à l’Université d’Ottawa n’en
avait pas parfaitement conscience avant de recevoir ce mail d’une
amie : « Vous allez regarder "Nemo" avec vos enfants ce
soir ? Suivez mon conseil : sautez les cinq premières minutes
». Que se passe-il durant les cinq premières minutes de ce film
d’animation produit par Disney : la mère de Nemo se fait
sauvagement assassiner par un Barracuda. Pas pire que dans les
films d’épouvante, d’action et autres œuvres que propose Hollywood,
pensez-vous. Pas si sûr.
Avec ou sans pop corn
Ian Colman et ses confrères ont voulu en avoir le cœur net. Ils ont comparé quarante-cinq films d’animation ayant connu depuis 1937 les plus grands succès au box office, éliminant les œuvres dont les héros sont des objets inanimés (robots, jouets et autres) à quatre-vingt dix films produits les mêmes années destinés aux adultes, sans retenir les productions d’aventures censées plaire aux âmes d’enfants. Ils ont visionné ces œuvres sur leurs écrans de télévision personnels « avec ou sans pop corn » précisent-ils dans l’article publié dans la traditionnelle livraison de Noël du British Medical Journal qui se caractérise par son ton humoristique.
Feu sur les dessins animés
Résultats : les personnages principaux des films pour enfants ont 2,5 fois plus de risques de trépasser que les héros des films dramatiques pour adultes (intervalle de confiance 1,30 à 4,90). Le risque de voir le meurtre se perpétrer devant vos yeux est même trois plus élevé en dessin animé qu’avec des acteurs de chair et de sang. Les auteurs signalent encore que les deux tiers des longs métrages d’animation évoquent la mort d’un des personnages, contre la moitié des films pour les spectateurs plus âgés. Les causes de décès ne sont en outre pas si différentes entre les deux types de production. Bien sûr les attaques animales tiennent la part belle dans les dessins animés et sont bien plus rares dans les autres productions où les morts par balle sont les plus fréquentes. Néanmoins ces dernières sont loin d’être absentes et sont même la seconde cause de décès, que l’on songe à Bambi, à Pocahontas ou encore à Peter Pan.
A double tranchant
Quelle conséquence pour les jeunes téléspectateurs âgés de deux à cinq ans qui rappellent les auteurs passent en moyenne 32 heures par semaine devant un écran et qui souvent voient et revoient les mêmes films (et donc les mêmes morts) ? Chez ces êtres impressionnables qui le plus souvent n’ont pas encore une bonne compréhension de ce qu’est la mort, l’exposition à ces images a probablement des effets délétères à long terme estiment les auteurs, d’autant plus que les décès mis en scène concernent fréquemment les parents des héros (Bambi, Nemo…). Néanmoins, les auteurs jugent que dans certains cas, ces films peuvent se révéler de bons outils pour expliquer aux enfants la mort, le deuil, la vie, à conditions que les parents prennent conscience de la nécessité de regarder avec leurs enfants ces dessins animés et de ne pas les considérer comme des distractions divertissantes et inoffensives.
Consentement éclairé
Soulignons à la manière de Ian Colman et coll. que la réalisation de cette étude n’a pas nécessité d’approbation d’un comité d’éthique mais qu’aucun des personnages fictifs étudiés, morts ou non, n’a pu donner de consentement éclairé quant à sa participation. En outre, toute ressemblance entre des personnages et les auteurs de l’étude serait purement fortuite.
Planche Beige