Les hôpitaux sont Charlie

Paris, le jeudi 8 janvier 2015 – Une femme dont le dernier livre s’intitule « Le désir et la putain, les enjeux cachés de la sexualité masculine » est forcément une cible pour ceux qui ont fait de la haine, de la violence et de la ségrégation leur ligne de vie. Elsa Cayat est morte hier, avec ses compagnons d’écriture, au siège de l’hebdomadaire Charlie Hebdo. Psychiatre et psychanalyste, installée dans le seizième arrondissement de Paris où elle vivait avec son mari et sa fille adolescente, Elsa Cayat tenait depuis plusieurs années une chronique bimensuelle dans le journal satirique, intitulée « Charlie Divan ». Des réflexions inspirées de remarques de ses patients, des commentaires sur l’état désolant de la psychiatrie en France, des digressions sur la sexualité : Elsa Cayat laissait sa plume divaguer au gré de ses humeurs. Aujourd’hui, ses proches et plusieurs de ses patients rendent hommage à cette victime de la barbarie, seule femme dont le nom figure parmi les douze morts.

Médecine de guerre

Patrick Pelloux était l’autre médecin de Charlie. Comme nous l’avons évoqué hier, il est un miraculé de la tuerie. Il est arrivé sur les lieux quelques instants à peine après que les tirs se soient tus et a commencé à organiser le tri des victimes. Aujourd’hui, il parle et pleure. Sur France Inter, il a livré un témoignage poignant. Outre son désir de voir vivre Charlie, Patrick Pelloux a assisté hier à une véritable scène de guerre. C’est également ce que décrivent les médecins qui sont arrivés sur place et ceux qui ont pris en charge les blessés les plus graves. Ces praticiens indiquent n’avoir jamais été confrontés dans leur carrière à des plaies et des blessures de ce type, à un tel carnage : hier un bloc de la Pitié Salpêtrière était entièrement dédié à la prise en charge des victimes.

Mobilisation hospitalière en capacité maximale

Tous les hôpitaux d’Ile-de-France sont depuis hier sur le pied de guerre, avec le relèvement du plan Vigipirate au niveau « Alerte attentat ». Déjà ces dernières semaines, les établissements de santé avaient pris acte du renforcement du programme de vigilance, supposant un plus strict contrôle des accès, une mise en alerte des moyens hospitaliers ou encore une vérification des circuits de vaccination (pour répondre aux menaces bioterroristes). Avec le passage au niveau « Alerte attentat », la mobilisation hospitalière doit être en capacité maximale d’emploi 24h/24 ; mesure qui confirme le bien fondé de la levée de leur préavis de grève par les chirurgiens et anesthésistes des hôpitaux privés. Les plans blancs hospitaliers doivent également pouvoir être déployés de manière immédiate, tandis que plusieurs mesures concernant le risque de bioterrorisme sont prévues (telle la possibilité de disposer immédiatement d’antidotes par exemple). Plus que jamais le contrôle des entrées est indispensable, avec notamment une vérification du contenu des sacs, un passage en revue drastique et systématique des livraisons et une sensibilisation des personnels, afin notamment qu’ils puissent donner l’alerte en cas de colis suspect ou abandonné ou de n’importe quelle situation inhabituelle. Autant d’impératifs qui imposent, notamment dans les plus grands établissements, la désignation d’un cadre responsable de l’application du plan.

Traumatisme psychologique dans les cabinets

Parallèlement à cette mobilisation des hôpitaux, on le sait, dans les cabinets médicaux, l’évocation de ces attentats devrait être fréquente. En ces lendemains de trouble, la vigilance est de mise vis-à-vis des sujets mentalement les plus fragiles et des jeunes enfants, à l’égard desquels le silence ne permet pas toujours de les protéger d’informations et d’images qui inondent de manière légitime les médias et alimentent les conversations inquiètes des familles.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (4)

  • Courage Patrick

    Le 08 janvier 2015

    Je pleure avec Patrick Pelloux ce terrible carnage. Patrick Pelloux est non seulement un bon confrère, mais j'ai bien connu son père, un grand kinésithérapeute syndicaliste.
    Courage Patrick, s'il te plait trouve la force pour résister.
    Je pleure aussi la policière assassinée ce matin à Montrouge à moins d'un km de chez moi, alors qu'elle ne portait aucune arme à feu pour se défendre. Quel gâchis !
    Juste un mot pour dire que devant ces fracas d'humains, les médecins militaires ont réellement une grande utilité dans ce domaine terrifiant et qu'il est bien dommage de fermer le Val-De-Grâce.
    Christian Lacomère

  • Elsa Cayat, psychiatre assassinée par l'Islam fanatique

    Le 08 janvier 2015

    Effectivement, les tueurs de Charlie Hebdo ne se sont pas trompés de cible en assassinant Elsa Cayat : quelqu'un qui parle de désir et de sexualité, surtout si c'est une femme, est insupportable à ces grands virils brandisseurs de kalachnikov.
    Il y a un rapport entre le djihad et le sexe. Les kamikazes djihadistes partent à la mort après s'être vu promettre un paradis rempli de vierges à leur disposition. Les djihadistes du Nigéria enlèvent 200 jeunes filles pour en faire leurs esclaves sexuelles. Les talibans d'Afghanistan jettent du vitriol au visage des filles qui vont à l'école malgré leur interdiction. Les fondamentalistes de nos banlieues dissimulent obsessionnellement la peau de leur épouse sous le voile intégral. Et tous les combattants d'Allah considèrent la femme comme un être social inférieur, probable signe qu'ils craignent la liberté féminine.
    Je ne fais pas cette énumération pour singer Elsa Cayat, et encore moins pour me moquer de la névrose sexuelle spécifique des djihadistes (la sexualité, c'est difficile pour tout le monde, nos consultations nous le montrent bien).
    Je veux seulement signaler que ces djihadistes ne contestent pas seulement la liberté d'expression des journalistes. En s'attaquant aux femmes, ils prônent aussi une idéologie déshumanisante et historiquement archaïque. Sur ce chemin, ils sont partiellement suivis par un bon nombre de musulmans non fanatiques. Prenons-y garde, même si notre propre manière de traiter les femmes (par exemple dans la publicité) nous déshonore, nous aussi.
    Etienne Robin, néphrologue

  • Charlie s'en va-t-en guerre

    Le 08 janvier 2015

    Morts au combat
    Oui, Charlie était en guerre
    Depuis des années, Charlie se bat
    Contre toute forme de stupidité et d'obscurantisme
    Charlie a perdu une bataille, mais il a déjà gagné la guerre
    De la liberté, de l'égalité, de la fraternité. Charlie est mort : vive Charlie !
    Dr BE

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