
La chirurgie colorectale est au mieux « propre contaminée » (classe II d’Altemeier) avec donc un risque septique important, celui-ci étant encore majoré avec l’âge (or il s’agit souvent de patients âgés) et en cas d’obésité, de stomies, de transfusions, de corticothérapie, d’antécédents d’irradiation et d’un score ASA (American Society of Anaesthesiology) ≥ 3. Malgré des mesures préventives (antibiotiques, tonte plutôt que rasage, hypothermie, etc.), le risque d’abcès pariétal après chirurgie du cancer du rectum (CKR) reste proche de 20 % ! Les auteurs italiens ont cherché à déterminer l’influence possible d’une hyper-oxygénation sur ce risque par une étude randomisée prospective en chirurgie ouverte (laparotomie médiane).
Ils ont étudié 81 opérés de KR (45 hommes) entre 2008 et 2013 (en excluant les urgences vitales, les malades infectés, diabétiques, immunodéprimés, avec une perte de poids récente). Pendant leur hospitalisation, on ne leur a prescrit ni antispasmodiques, ni corticoïdes, ni anti-inflammatoires per os.
Il n’y a pas eu de préparation mécanique mais une antibioprophylaxie préopératoire.Tous les malades ont été intubés et ventilés avec un mélange de 2/3 N2O et 1/3 O2. Ensuite, en fonction d’un tirage au sort, la moitié des sujets a reçu une fraction d’O2 inspiré (FiO2) de 30 % (G1) ou 80 % (G2) (sachant qu’elle est de 20 % dans l’air ambiant). La technique chirurgicale a été la même (anastomose colorectale mécanique ou colo-anale manuelle). On a vérifié en per et postopératoire la PaO2 (pression partielle d’oxygène dans le sang artériel) ; la FiO2 a été poussée à 100 % lors de l’extubation, puis les opérés ont reçu de l’O2 au masque (16 l/mn) pendant 6 h, avant de respirer l’air ambiant, un complément en O2 étant cependant assuré pour maintenir la SaO2 (saturation de l’hémoglobine en O2) à 92 %. La plaie a été examinée tous les jours à la recherche de signes d’infection (érythème, douleur, induration jusqu’à écoulement purulent prélevé alors pour identification bactériologique) ou de désunion des plans superficiels ou profonds pendant les deux 1ères semaines.
Il y a eu 41 patients dans le G1 et 40 dans le G2, comparables en termes d’âge, d’indice de masse corporelle, de facteurs de risque. Les 9 anastomoses colo-anales mais aussi 11 anastomoses colorectales ont été protégées (iléostomie).
On a constaté 17 infections postopératoires (21 %), dont 11 (27 %) dans le G1 et 6 (15 %) dans le G2 (p < 0,05), et celles du G1 étaient plus graves. Il n’y a pas eu d’éviscération, les malades infectés sont restés plus longtemps. En analyse multivariée, le taux d’O2 inspiré est une variable indépendante réduisant de 52 % le risque de sepsis, par ailleurs majoré chez les insuffisants respiratoires. Le risque de lâchage anastomotique a aussi été trouvé augmenté (29 % dans le G1 et 10 % dans le G2), quel que soit le type d’anastomose. Les 2 décès par fistule se sont produits dans le G1, où se trouvaient aussi les deux patients qui ont dû subir une stomie dans les 10 jours suivant l’intervention.
Dr Jean-Fred Warlin