La e-cigarette plus cancérigène que la cigarette ?

En août dernier, l’OMS publiait un rapport sur la cigarette électronique, dans lequel elle préconisait une réglementation de sa publicité et de son utilisation dans les lieux publics. Le rapport estimait qu’il était prématuré de recommander la e-cigarette en première intention pour le sevrage tabagique et soulignait que le « vapoteur » (utilisateur de e-cigarettes) n’inhale pas seulement de la vapeur d’eau, comme le laissent croire certaines publicités, mais bien des substances toxiques dont on ne connaît pas encore précisément les effets.

Les résultats d’une étude publiée par le New England Journal of Medicine semblent venir conforter les réticences exprimées dans ces recommandations de l’OMS. Les auteurs ont analysé le liquide contenu dans les cartouches par par spectroscopie RMN, en ciblant la présence d’agents libérateurs du formaldéhyde.

A chaque bouffée, le vapoteur consomme entre 5 et 11 mg de liquide. Quand la e-cigarette est réglée sur un faible voltage (3,3 V), il n’est pas détecté de formation d’agents libérateurs de formaldéhyde. En revanche, si le vapoteur choisit un voltage supérieur (5,0 V), il absorbera en moyenne 380 ± 90 μg de formaldéhyde toutes les 30 bouffées, sous forme d’agents libérateurs de formaldéhyde. Si notre vapoteur consomme quotidiennement 3 ml de produit, en réglant sa e-cigarette sur ce voltage de 5,0 V, il inhalera environ 14,4 ± 3,3 mg de formaldéhyde chaque jour, quantité à comparer aux 3 mg absorbés en fumant un paquet de 20 cigarettes.

5 à 15 fois plus de risque qu'avec la cigarette classique ?

Nul ne sait encore de quelle façon les agents libérateurs de formaldéhyde se comportent au niveau de l’arbre respiratoire, mais l’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer l’a classé dans le groupe 1 des substances carcinogènes. Selon Paul Jensen et coll. qui signent cette lettre au New England, l’utilisation au long cours de la e-cigarette serait, si l’on ne considère que le risque lié au formaldéhyde, associée à un risque de cancer 5 à 15 fois supérieur à celui auquel s’expose le fumeur habituel de cigarettes !

Cette étude a provoqué de vives réactions dans la presse grand public et médicale. Certains objectent en effet qu’elle ne tient pas compte des nombreuses autres substances cancérigènes que contiennent les cigarettes, auxquelles ne sont pas exposés les vapoteurs. D’autres affirment que les vapoteurs n’utilisent jamais le voltage de 5,0 V qui produirait une vapeur au goût acre, peu apprécié. "Quand un poulet est brûlé, le résultat est que la croûte noire contient des carcinogènes, mais cela ne signifie pas que le poulet est un carcinogène".

Cette controverse souligne bien que de nombreuses inconnues subsistent encore quant à l’utilisation de la e-cigarette comme méthode de sevrage tabagique. Pour le moment, les plus prudents se rallieront à l’avis de l’OMS qui déclarait que la e-cigarette se situait «sur une frontière mouvante entre promesse et menace pour la lutte antitabac ».

Note de la rédaction :
A l'heure où nous mettons en ligne cet article, nous avons reçu un mail de Jacques Le Houezec* nous proposant de mentionner les nombreuses critiques méthodologiques (notamment réglages irréalistes des bouffées, comparaison mal documentée et trompeuse des risques de cancer de la e-cigarette et du tabac...) et les réactions qu’a déjà suscitées cette étude et que l’on trouvera en suivant le lien ci dessous.

http://www.clivebates.com/?p=2706


*Conseil en Santé publique et dépendance tabagique
Membre de l'équipe de recherche Addictologie, Unité INSERM 1178
Honorary Lecturer, UK Centre for Tobacco Control Studies, University of Nottingham, England.

Dr Roseline Péluchon

Références
R. Paul Jensen et coll. : Hidden Formaldehyde in E-Cigarette Aerosols
N Engl J Med 2015; 372: 392-393.

Copyright © http://www.jim.fr

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Vos réactions (11)

  • L'industrie du tabac fait feu de tout bois

    Le 23 janvier 2015

    Beaucoup de bruits pour rien semble t-il, une méthodologie biaisée et incertaine, des résultats tronqués et ambigus : l'industrie de fabrication cigarettière fait "feu de tout bois" en raison de la concurrence commerciale d'un nouveau produit apte à tailler des croupières dans ses part de marché : "mad men" en direct ...

    H Levenes

  • Poids des lobbies

    Le 23 janvier 2015

    La théorie du complot n'est pas ma tasse de thé mais on est en droit de s'interroger sur le poids des lobbies des cigarettiers, non ?

    Annick Opinel

  • Gros doutes

    Le 23 janvier 2015

    Evidemment qu'il faut émettre de gros doutes sur ces conclusions. Cette étude a été réalisée on ne sait dans quelles conditions exactes. La cigarette électronique n'existe pas, il y a tellement de modèles différents, ayant chacun des caractéristiques techniques différentes, qu'on ne peut appliquer une conclusion aussi généraliste après quelques essais. D'autant que la composition du liquide rentre également largement en jeu. Si le liquide est trop visqueux, l'alimentation de la résistance ne se fait pas, les mèches sont sèches et crament libérant ainsi des éléments sans doute toxiques ... mais comme il a été souligné dans votre article, ceci n'existe pas dans la réalité ! Les vapoteurs ne vont pas continuer à tirer des bouffées s'il n'y a pas de liquide. Il y a donc peu de chance qu'ils soient exposés à ces toxiques ... Les études sur la cigarette électronique doivent se faire avec les utilisateurs ... c'est une évidence, eux seuls savent comme gérer ce produit complexe.

    Véronique Deiss

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