
Athènes, le samedi 24 janvier 2015 – En février 2014, des chercheurs grecs faisaient paraître dans The Lancet un article évoquant les conséquences de la crise économique et de la politique d’austérité adoptée en réponse à celle-ci sur les taux de mortalité en Grèce. On y découvrait par exemple que passant de 2,65 décès d’enfant de moins d’un an sur mille en 2008 à 3,8 en 2010, la mortalité infantile avait connu une hausse effrayante de 43,4 %. Depuis, ce chiffre a été largement repris comme un argument imparable par ceux qui entendent fustiger les efforts dantesques "imposés" par Bruxelles à la Grèce (voire plus rarement par ceux qui appellent à une sortie de la Grèce de l’euro pour que cesse le massacre !). Cette semaine, c’est Cécile Duflot qui a brandi le chiffre massue. « Les plans d’austérité imposés par la troïka ont provoqué une hausse de la mortalité infantile de 42 % (?). Voilà la réalité de ce pays qui est membre de l’Union européenne » a lancé le député écologiste.
Une évolution insaisissable de la mortalité infantile
Honte et stupéfaction : ainsi des jeunes enfants meurent tous les jours en Europe sous le poids des diktats économiques. Le hic c’est que Cécile Duflot (et beaucoup d’autres, elle n’est pour une fois pas seule à se montrer si virulente) n’a fait qu’une lecture partielle du Lancet. C’est ce que rappelle une mise au point faite par France-Info cette semaine. Car en même temps que paraissaient ces chiffres édifiants, la revue proposait une analyse critique (également réalisée par des médecins grecs) de ces chiffres qui ne peuvent sans nuance être utilisés pour dénoncer les conséquences désastreuses de l’austérité. La période étudiée est en effet trop courte pour être significative. Les auteurs ont en effet utilisé 2008 comme point de référence. Or, il semble que cette année ait été un cru « remarquable » en ce qui concerne la mortalité infantile en Grèce, marquée par une baisse spectaculaire de 25 %. Si l’on remonte à 2005, on observe que la mortalité infantile connaissait le même niveau qu’en 2010 (3,8/1 000). Les journalistes de France Info font également valoir que les années suivantes ne permettent pas de dégager une tendance claire : 2011 et 2012 se sont en effet révélées des années plutôt positives (avec 2,91décès sur 1000 en 2012 par exemple), tandis qu’une nouvelle hausse était déplorée en 2013. Ainsi, ce paramètre n’apparaîtrait-il pas comme un juste indicateur des ravages des politiques décidées par les gouvernements grecs successifs à la demande de l'Europe ou tout au moins les interprétations des différents chiffres de mortalité nécessitent-elles des analyses complexes loin du manichéisme politique (on peut par exemple déplorer, à la manière des auteurs, qu’une tendance à la baisse s’essouffle ou le maintien d’un haut niveau de mortalité à la naissance, etc).
Rien à voir avec l’évocation spectaculaire et sans nuance de la mort de bébés par la faute des banquiers...
Léa Crébat