La France se dote d’une loi anti-ondes et consacre le principe de « sobriété »

Paris, le vendredi 30 janvier 2015 – L’assemblée nationale a adopté ce jeudi la proposition de loi du député écologiste du Val de Marne, Laurence Abeille, « relative à la sobriété, à la transparence, et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques », mettant fin à un parcours parlementaire de 2 ans.

Le texte initial avait été renvoyé en commission à l’initiative des socialistes en 2013 ( les Verts reprochant au gouvernement d’avoir cédé aux « lobbies »), avant de revenir devant l'Assemblée nationale en janvier 2014, sous une forme édulcorée, puis d'être adoptée en première lecture par le Sénat, en juin 2014, dans une version encore remaniée.  Le groupe écologiste a décidé de faire voter le texte en l'état pour éviter son renvoi devant la haute assemblée. Son adoption est donc définitive et « les décrets d'application vont pouvoir être pris sans plus attendre » s’est félicitée Mme Abeille.

Ce texte a finalement été voté par les socialistes, les radicaux de gauche, et le Front de Gauche. L’UDI s’est abstenu (à l’exception d’un député qui a voté pour).  Les députés UMP, notamment Lionel Tardy, à l’origine d’une vingtaine d’amendements qui ont été rejetés, ont jugé (dans la lignée de l’Académie de médecine) le texte anxiogène et contraire aux objectifs de développement numérique.

Le secrétaire d’État chargé du numérique Axelle Lemaire a insisté sur le fait que « ce texte n’était pas une manière pour le gouvernement de considérer les ondes électromagnétiques comme dangereuses » ni de freiner l’utilisation d’objets connectés. « C’est un texte de méthode, qui vise à crever l’abcès des anxiétés irrationnelles véhiculées dans le débat public à l’heure actuelle du fait d’absence de mécanisme de consultation efficace de la population au moment de l’installation d’antennes relais ».

Cette loi intervient dans le contexte du développement des sources d'ondes électromagnétiques, notamment avec le déploiement de la téléphonie mobile à très haut débit, la 4G. Au 1er janvier 2015, indique l'ANFR (Agence Nationale des FRéquences), le nombre de sites d'antennes-relais autorisés en France pour la 4G s'élevait à 18 699 contre 12 525 un an plus tôt.

Sobriété, information, transparence

C’est la première fois qu’on introduit en France le principe de « sobriété », et ce, pour  l'exposition du public aux champs électromagnétiques

Ce principe reste toutefois vague et non contraignant. Il n'est ainsi plus question de ramener les valeurs limites d'exposition en vigueur, comprises, selon les fréquences utilisées, entre 41 et 61 volts par mètre (V/m). Néanmoins, le texte interdit effectivement le wifi dans les crèches, limite aux activités pédagogiques son usage dans les écoles, interdit la publicité pour les téléphones portables vendus sans oreillette.

D’autre part, cette nouvelle législation oblige le fabricant à faire mesurer et rendre public le débit d’absorption spécifique (DAS) pour tout équipement radioélectrique, de donner une information claire sur l’accès sans fil à internet dans la notice, et d’informer les occupants d’un local d’habitation en cas de présence d’un émetteur de champs électromagnétique d’un niveau supérieur au seuil fixé par décret.

Au chapitre de la transparence, l'installation d'antennes-relais devra désormais faire l'objet d'une information préalable des maires et des présidents de structures intercommunales,  qui pourront organiser une concertation avec les habitants. En outre, une campagne « de sensibilisation et d'information concernant l'usage responsable et raisonné des terminaux mobiles » sera menée.

De son côté, chaque année, l’ANFR se devra de modérer les « points atypiques » où les taux d’expositions du public sont supérieurs à la moyenne nationale (1 V/m).

Enfin, un rapport sur l'électro-hypersensibilité devra être réalisé par le gouvernement.

Un premier pas, mais peut mieux faire !

Les associations « anti-ondes » se sont félicitées du vote. « C’est un premier pas très symbolique car il y a eu un lobbying énorme pendant deux ans contre cette loi (…) Cela ouvre la voie à une réduction de l’exposition de la population, et introduit plus de transparence et de démocratie dans le développement des nouvelles technologies ». explique Etienne Cendrier, porte-parole de l’association Robin des toits, qui souhaite toutefois aller plus loin : « il faut réduire l’exposition au public et tendre vers le 0.6 V/m tel que préconisé par le Conseil de l’Europe ».

« Ce texte, qui est le premier dédié au dossier des ondes électromagnétiques et de leur impact sur l'environnement et la santé, marque une première étape dans la reconnaissance par la loi de la nécessité de réguler le développement de la téléphonie mobile et de toutes les applications sans fil », commente  quant à elle l'association Pour une réglementation des antennes-relais de téléphonie mobile (Priartem). A ses yeux, « ce premier effort législatif doit être un encouragement pour aller plus loin dans le protection des populations ».

Une loi malgré l’absence de consensus scientifique

Rappelons qu’à ce jour la dangerosité des ondes électromagnétiques sur la santé n’a jamais été confirmée scientifiquement et que l’application du principe de précaution (dont cette loi est une nouvelle manifestation), pour répondre aux inquiétudes exprimées dans la société, ne saurait être assimilée à une quelconque preuve de l’existence d’un risque avéré. En  octobre 2013, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), en conclusion d’une large revue de la littérature, indiquait que les ondes pouvaient « provoquer des modifications biologiques » mais que « les conclusions de l'évaluation des risques ne mettaient pas en évidence d'effets sanitaires avérés ».

L’Agence « recommandait néanmoins de limiter l'exposition aux ondes, en particulier celles des téléphones mobiles, surtout pour les enfants et les utilisateurs intensifs ».

Frédéric Haroche

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Vos réactions (16)

  • Une question

    Le 30 janvier 2015

    Est-on revenu au moyen-âge ?
    Dr Jean Louis Breton

  • Pas de preuves de nocivité

    Le 30 janvier 2015

    Le sujet n'est pas neuf et la littérature scientifique abondante. On n'a jamais pu prouver un quelconque effet nocif délabrant produit par des ondes au niveau des émissions TV ou du téléphone portable. Il faut en effet un débit d'énergie bien plus important qu'un usage normal et raisonnable pour commencer à produire des effets décelables, en général vite compensés dès que la stimulation cesse.
    Nous sommes donc dans le domaine du "principe de précaution", certes tout à fait admissible et défendable mais qu'il ne faut pas invoquer à tort et à travers. Ne ferait-on pas mieux de s'intéresser aux ravages des décibels dans les oreillettes ou les casques de nos ados, qui nous promettent des générations de déficients auditifs?

    Dr Yvon Grall

  • On change le sens commun des mots

    Le 30 janvier 2015

    Bon, il me semble que "anti ondes" fait un peu "presse people" puisqu'on parle de "sobriété" et de "concertation", ouvrant ainsi la porte à des débats sans fin et qui ne sont convaincants que pour leurs auteurs, les "pro" ne pouvant prouver l'innocuité et les "anti", le danger. Mais que dire sur les ravages, hélas définitifs pour la plupart, sur l'audition du fait des décibels absorbés par les gamins, puis les ados qui poussent le son car déjà un peu sourds du fait de leur comportement gamin et des adultes jeunes qui poussent encore plus du fait des dégâts précédents(concerts près des baffles etc...) et pourtant, là, c'est prouvé scientifiquement, nous ne sommes plus dans la précaution mais le constat. Quant à la "sobriété", cela a une connotation "alcoolique" accusatrice (ce n'est pas comme un costume "sobre"). Mais il est vrai que de nos jours, on change facilement le sens commun des mots et des suffixe et c'est ainsi que les phobies ne sont plus ce qu'elles étaient.

    Dr Marc Lemire

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