
En Afrique du Sud, la prévalence de l'infection à VIH est l'une des plus élevées du monde. Probablement parce qu'ils sont habituellement traités tardivement, beaucoup de ces patients développent une atteinte rénale chronique qui peut évoluer vers l'insuffisance rénale terminale (IRT) malgré une charge virale effondrée.
La quadrature du cercle
Cette situation constitue souvent une impasse thérapeutique. En effet les disponibilités pour une dialyse chronique sont limitées dans ce pays et la transplantation rénale pose de multiples problèmes dans ce contexte. D'une part, plus encore que dans les pays développés, le nombre de greffons potentiels est inférieur aux besoins pour toutes les IRT et les reins disponibles de donneurs VIH négatifs sont réservés en priorité aux sujets VIH négatifs. D'autre part, la greffe chez un patient VIH positif peut se compliquer de rejets plus fréquemment que chez des sujets séronégatifs, peut être un facteurs favorisant d'infections opportunistes en raison du traitement immunosuppresseur et expose à de nombreuses interactions médicamenteuses pouvant perturber à la fois la prise du greffon et le contrôle de la charge virale.
Pour faire face à ces difficultés, une équipe du célèbre Groote Schuur Hospital au Cap a entrepris un programme de transplantation rénale chez des sujets VIH positifs à partir de donneurs également séropositifs. Les résultats sur les 27 premiers patients opérés entre septembre 2008 et février 2014 en sont présentés dans le New England Journal of Medicine.
Une sélection rigoureuse des donneurs et receveurs
Pour être candidats à ce type de greffe, les receveurs devaient avoir une charge virale indétectable sous traitement, plus de 200 lymphocytes T CD4 par ml et ne pas avoir présenté d'infections opportunistes constitutives du diagnostic de sida.
Les donneurs décédés VIH positifs devaient avoir une charge virale indétectable (sans ou sous traitement) être exempts d'infections opportunistes et bien sûr répondre aux critères classiques de sélection pour une transplantation rénale. Protocole anti-rejets et traitement antirétroviral ont été adaptés pour éviter au maximum les interférences médicamenteuses.
Un pronostic vital et rénal globalement satisfaisant
Les résultats de cette étude rétrospective ouverte sont positifs et valident ce concept thérapeutique dans les conditions particulières de l'Afrique du Sud.
Le taux de survie des patients a été de 84 % à un an et 3 ans et de 74 % à 5 ans. Le taux de survie des greffons, (calculé en considérant que chez les sujets décédés avec un rein fonctionnel, le greffon avait survécu) a été de 93 % à un an, de 84 % à 3 ans et à 5 ans. Les taux de rejet ont été de 8 % à un an et de 22 % à 3 ans. L'infection à VIH a pu être contrôlée chez tous les patients bien qu'une baisse des CD4 ait été constatée durant la première année post greffe. Sur cette courte série, aucune transmission d'un VIH résistant n'a été observée et les problèmes liés aux interférences médicamenteuses ont pu être maitrisés grâce à des choix thérapeutiques judicieux et des ajustements posologiques. Ces résultats sont donc comparables à ceux que l'on observe dans les pays développés chez des sujets VIH positifs greffés avec des reins séronégatifs.
Il apparaît donc que, sous réserve d'être pris en charge dans un centre performant et malgré un risque de rejet élevé (trois fois supérieur à celui d'une population séronégative), dans des pays comme l'Afrique du Sud, ce type de greffe peut être envisagé lorsque la dialyse n'est pas possible et que l'on ne dispose pas de greffons séronégatifs en nombre suffisant.
Dr Nicolas Chabert