Grippe 2015 : l’augmentation de la létalité semble se confirmer…

Paris, le jeudi 5 mars 2015 – Fébrilement, médecins et journalistes attendent chaque mercredi la publication par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) du bulletin hebdomadaire concernant l’évolution de l’épidémie de grippe. Les consultations vont-elles continuer à être surchargées, la surchauffe des hôpitaux risque-t-elle de perdurer, faut-il s’obstiner à refuser toute poignée de mains et toute embrassade ? La réponse à ces différentes questions sera bientôt négative car le déclin de la grippe se confirme. « Le nombre de consultations pour syndromes grippaux en médecine ambulatoire est en nette diminution depuis la semaine 6 » écrit en introduction l’INVS. Et les autres informations mises en avant sont toutes aussi rassurantes : moins de passages aux urgences et d’hospitalisation y compris chez les plus de 65 ans et une mortalité toutes causes confondues en « léger recul ». Le pire semble passé et dans son communiqué publié lundi l’Institut de recherche sur la valorisation des données de santé (IRSAN) prophétisait même que dans deux semaines, l’épidémie ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

Plus de cas graves

Mais parallèlement à ces données, les chiffres tentant d’évaluer l’impact global de cette épidémie saisonnière sont bien plus alarmants. S’ils demeurent difficiles à interpréter (et on soulignera sur ce point que la présentation des statistiques épidémiologiques est une science encore perfectible en France!), ils suggèrent néanmoins d’une façon de plus en plus marquée que la grippe 2014-2015 pourrait être d’une gravité supérieure à celle des années précédentes. L’épidémie est en effet assez avancée aujourd’hui pour que l’IRSAN puisse prédire que l’on recensera au total 3,2 millions de cas. « Ce chiffre (…) reste inférieur aux valeurs de nombreuses épidémies passées, notamment celle récente de 2012-2013 avec ses 3,5 millions de cas. Sur les trente dernières années, 1/3 des épidémies ont dépassé les trois millions de cas » relève l’IRSAN. Or, parallèlement cette ampleur équivalente à celle des années précédentes, le nombre d’hospitalisations a été bien plus élevé que certaines années.  Ainsi, 1 206 personnes ont été hospitalisées en réanimation à ce jour, contre 818 en 2012-2013, qui avait pourtant, nous l’avons dit, connu une grippe ayant affecté plus de personnes qu'en 2015.

Moins de morts en 2014, plus en 2015 ?

Les chiffres de la mortalité suggèrent également une létalité plus élevée même s’ils sont plus difficiles encore à interpréter. L’Institut national de veille sanitaire (InVS) observe en effet que « sur les huit premières semaines de l’année 2015, la mortalité hivernale est supérieure de 17 % à la mortalité attendue calculée à partir des 8 années précédentes, soit un excès estimé à 10 500 décès (dont 8 500 décès depuis le début de l’épidémie de grippe). La contribution de la grippe dans l’excès de mortalité est connue pour être importante chez les sujets âgés sans qu’il soit possible de préciser sa part dans l’excès constaté cette saison ». Si ces données semblent donc conforter l’idée d’une gravité particulière de la grippe, on soulignera cependant que l’année 2014 a été marquée par une absence quasi-totale de surmortalité. Aussi l’idée d’un "rattrapage"  statistique, suggéré par le Monde ne paraît pas "incohérent" aux yeux des épidémiologies, tel Daniel Lévy-Bruhl épidémiologiste et coordinateur de l’unité des maladies à prévention vaccinale au sein de l’InVS.

A(H2N3) a déjà fait parler de lui…

Par ailleurs, on rappellera que les épisodes de surmortalité hivernale ne sont pas rares. Ainsi, on se souviendra que l’hiver 2011/2012 avait été marqué par une augmentation de 13 % du nombre de décès (entre le 6 février et le 18 mars) par rapport aux années précédentes ; soit au total près de 6 000 morts supplémentaires recensés. L’exemple de 2011-2012 est d’autant plus remarquable que des éléments similaires à ceux observés cette année ont pu être déplorés. Si le froid avait été probablement un peu plus pinçant, la lutte contre l’épidémie de grippe avait été comme aujourd’hui altérée par un vaccin moins efficace… en raison déjà d’une mutation du virus A(H2N3). D’ailleurs, on relèvera à cet égard que l’InVS souligne que la part des hospitalisations chez les patients consultant les urgences pour des symptômes grippaux « est de 47 % chez les personnes âgées de 65 ans et plus, valeur comparable à 2011-2012 et 2013-2014 où le virus A(H3N2) circulait également ».

Pas une bonne publicité pour la vaccination contre la grippe

Après avoir encore fait beaucoup parler de lui cette année, A(H3N2) figurera de nouveau dans le vaccin grippal qui sera proposé l’hiver prochain, en espérant que la souche analogue à A/Switzerland/9715293/2013(H3N2) qui vient d’être choisie pour figurer dans le vaccin par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne connaîtra pas de nouveau de mutation rapide, limitant très fortement l’efficacité de la protection. En effet, désormais, l’OMS juge que l’efficacité du vaccin n’a pas dépassé cette année 23 %, tandis que les Centres de contrôle des maladies américains (CDC) jugent que l’efficacité contre A(H3N2) a atteint 18 %, voire 15 % chez les enfants âgés de deux à huit ans. Mais les experts se montrent rassurants pour l’avenir en raison de la rareté d’une mutation aussi rapide que celle observée en 2014 (si on oublie l’épisode de 2011/2012 ?) et espèrent (peut-être en vain) que cette épisode n’entraînera pas une nouvelle désaffection pour la vaccination contre la grippe.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (2)

  • L'effet médiatique du nombre de décès du à la grippe

    Le 06 mars 2015

    Nous l'avons vu, les médias raffolent de ces titres pour leur capacité à captiver et vendre le papier : "l'épidémie de grippe est majeure cette année", "beaucoup de morts par la grippe cette année"... Les médias aiment créer ce sentiment de peur à la manière de l'effet de l'étude sur le paracétamol sur la prise de Doliprane. On oublie souvent le réel : des faits plus compliqués qu'en apparence et la conséquence de tels articles.
    D'après le réseau Sentinelle, réseau de surveillance de la grippe, il n'y a pas cette année de caractère de gravité et le taux d'hospitalisation après consultation est faible (<1% chaque semaine). Toutes les communautés scientifiques affirment qu'il est encore trop tôt pour attribuer à la grippe le nombre un peu plus important de décès cette hiver.
    "Par ailleurs, on rappellera que les épisodes de surmortalité hivernale ne sont pas rares " rappelle jim.fr dans son article et les activités en pharmacies et cabinet médicaux montrent bien cette année des pathologies nombreuses. Où vont les patients lorsque le médecin ne peut les recevoir rapidement : à l’hôpital, vite surchargé en conséquence.
    Alors les effets médiatiques créant la peur sont à utiliser en amont d'une épidémie saisonnière pour sensibiliser nos patients à la vaccination et aux moyens de prévention plutôt que modeler la vérité pour que cela deviennent sensationnel !

    Xavier Mosnier-Thoumas

  • Réponse à Xavier Mosnier-Thoumas

    Le 06 mars 2015

    La peur de quoi ? L'épidémie est derrière nous.
    "Les effets médiatiques créant la peur sont à utiliser en amont d'une épidémie saisonnière pour sensibiliser nos patients à la vaccination " ça serait stupide venant d'un média, et pour la vaccination c'est efficace à 20 % donc aucun intérêt. Mais vous travaillez peut etre pour les labo ... ah non pharmacien oui c'est pareil , plus vous en vendez mieux c'est.

    George de la Place du Tournielle

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