Un Belge sur 5 présente des symptômes dyspeptiques dont la majorité sont liés à la prise d'un repas. La moitié de ces patients n'arrivent pas à exprimer ce qu'ils ressentent. Comment distinguer une dyspepsie fonctionnelle d'une dyspepsie organique? Quel traitement proposer? Les réponses dans cet algorithme décisionnel proposé par le Pr J. Tack (KULeuven).
Dans la population belge, une personne sur 5 souffre de symptômes dyspeptiques, le plus souvent (80 %) à la suite d'un repas. La définition de la dyspepsie fait appel aux critères de Rome III, avec des douleurs (ou un inconfort) abdominales centrées sur l'épigastre, ressenties depuis plus de 6 mois avec une endoscopie haute considérée comme normale ou non explicative.
Dans une étude incluant 700 patients (Tack et al. 2005), les symptômes de plénitude et de ballonnements sont cités dans 75 % des cas, suivis par la douleur (55 %), la satiété (55 %) et ensuite une série d'autres symptômes tels que la perte de poids, les douleurs épigastriques, les vomissements qui comptent pour moins de 40 %.
Deux sous-groupes sont distingués, le syndrome dyspeptique post-prandial (PDS) et le syndrome dyspeptique douloureux épigastrique non lié à un repas (EPS). A souligner que les symptômes sont rarement isolés; ils peuvent co-exister et ressemblent à ceux du syndrome de l'intestin irritable qui concerne près de la moitié des patients. En pratique courante, on constate sur base de plusieurs études internationales (Italie, Scandinavie, USA, Chine …) que les symptômes PDS seuls comptent pour 50 à 75 % des cas par rapport aux symptômes EPS seuls avec un recouvrement dans 20 à 25 % des cas.
Les traitements revisités
La démarche de première ligne doit inclure une anamnèse très complète, reprenant notamment les modalités d'installation du syndrome, son évolution, les facteurs d'aggravation et la prise de médicaments, du fait que plusieurs classes peuvent induire un syndrome dyspeptique (AINS, aspirine, IPP, bisphosphonates, érythromycine, ….). Indépendamment de l'endoscopie et de l'éventuelle éradication d'H. pylori, le traitement fait appel aux agents neutralisants et inhibant la sécrétion acide. Pour les IPP, l'effet est modeste avec un RR de 0,85 dans le groupe des douleurs épigastriques et de 1,02 dans le groupe PDS. L'éradication de H. pylori apporte également un bénéfice modeste, significatif après 6 à 12 mois avec un RR = 0,93 dans cette méta-analyse de 13 études. L'association avec des prokinétiques classiques (antagonistes des récepteurs de la dopamine) est logique, mais les résultats sont inconstants. Les antidépresseurs sont utilisés pour leur effet sur les manifestations psychologiques, notamment anxio-dépressives, un effet analgésique central avec une amélioration de la qualité du sommeil et une action pharmacologique digestive directe.
Parmi les nouveautés thérapeutiques, il faut citer l'acotiamide qui accroît la libération d'acétylcholine par une action sur les récepteurs muscariniques M1/M2. On note un effet significatif sur les symptômes de dyspepsie dans cet essai randomisé contrôlé en double aveugle, plus marqué dans le groupe de malades avec un PDS.
La mirtazapine, un antidépresseur noradrénergique et sérotoninergique spécifique réduirait de 50 % la sévérité des symptômes versus placebo dans cette étude de 8 semaines (Tack, et al. soumis 2014).
Un algorithme décisionnel
L'endoscopie est indiquée en présence de signes pathognomoniques. Face à une forme PDS, sont proposés des IPP, des prokinétiques, un agoniste 5HT1A, la mirtazapine ou l'acotiamide. Face à une forme EPS, il faut considérer l'éradication de H. pylori, une suppression de l'acidité et un traitement de la douleur par amitryptiline. Si rien ne fonctionne, il faut envisager une psychothérapie et un support nutritionnel.
Dr Claude Biéva